un nom tout à fait de circonstance, on l’appelle Point-
Puër. Ce ne sont que des baraques. La pierre est fort
rare dans le district et même dans la colonie, et presque
tous les grands établissements du gouvernement
sont bâtis en bois. L’édifice est parfaitement
iso lé, et une ligne de constables rend les évasions
très-difficiles, sinon tout à fait impossibles.
En Angleterre, on déporte pour les délits les plus frivoles
comme pour les plus graves ; j’ai vu Là un malheureux
enfant dont le crime était d’avoir volé quelques
bottes d’oignon. Des marmots de dix à quinze ans,
quelque vicieux qu’ils soient, ne peuvent pas avoir
commis des fautes bien graves; il serait inhumain
d’enlever à leur fimiille, pour les déporter aux Antipodes
, des enfants dont souvent la faute est la conséquence
d’une étourderie, si le gouvernement ne
s’engageait pas, en quelque sorte, à travailler à les
rendre meilleurs, à leur apprendre un métier qni, en
leur enlevant leurs mauvais penchants, puisse en iâire
un jour des membres utiles de la société. C’est là le
but réel de rétablissement de Point-Puér, dont l’esprit
est à peu près celui de nos maisons centrales.
Le Pénitencier contient cinq cents enfants de douze
à dix-huit ans ; il est situé sur le sommet du cap,
dans une position saine et à coup sûr des plus aérées.
Ce sont de vastes corps de logis en bois contenant
des ateliers nombreux et bien disposés. Les lits sont
remplacés par des hamacs ; cette mesure a le double
avantage d’occuper un espace bien moindre et en
même temps de procurer aux prisonniers un excellent
DANS L'OCÉAN lE . 79
coucher. Le jou r, tous ces hamacs sont proprement roulés
et symétriquement placés dans des filières le long
desmurs delà salle. Tou s ces reclus sont uniformément
vêtus d’un pantalon , d’une veste et d’une casquette
de cuir ; de gros souliers complètent cette solide toilette.
En arrivant à la maison de détention, on leur
laisse le choix du métier qu’ils veulent apprendre.
J’ai visité les ateliers aux heures de travail, tous ces
bambins étaient frais et bien portants ; on n’y voyait
pas de ces figures pâles et étiolées que Ton rencontre à
chaque pas sur le pavé de nos grandes villes. Ils travaillaient
en silence et avec ardeur; je dois à la vérité
d’ajouter que quelques constables à mineiébai —
bative se promenaient avec un fouet a la main.
On m’a assuré qu’il en sortait d’excellents ouvriers,
et je le crois sans peine. J’y ai vu de véritables chefs-
d’oeuvre de menuiserie, de charpentage , de chaussure,
etc., etc... Mais la question est de savoir si leurs
mauvais penchants sont réprimés, s’ils en sortent
meilleurs, en un mot, si l’on en fait des ouvriers
probes. A cela, ces messieurs me répondaient d’une
manière évasive. Ceux qui restent dans la colonie
offrent en général un résultat satisfaisant ; mais la
plupart de ceux qui retournent dans la métropole retournent
au bagne , et cela se conçoit. Dans la colonie,
sans être de fait sous la surveillance de la police ,
ils sont constamment sous les yeux du magistrat. Le
sentiment de répulsion du maître envers 1 ouvrier
prisonnier ou forçat libéré n’existe pas , et pour peu
qu’il soit adroit et laborieux, il est toujours sûr d une