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334 NOTES.
mières heures du jour à élonger u ne ancre de bossoir dans la
direction du canal, où on trouva trois brasses et demie d’eau ;
cette opération présenta beaucoup de difficultés, car on fut obligé
d’embarquer l’ancre dans la ch aloup e, vu q u ’il y avait trop peu
d ’eau le long d u bord pou r la prendre en cravate, elle manqua de
la déformer en m ouillant.
Quand ces dispositions furent prises, nous attendîmes la p lein e
mer pour virer su r ces ancres; mais, à notre grand désappointement,
par suite d’u ne anomalie que n ous ne pouv ions expliquer,
la mer, qu i fut haute à trois h eu re s, ne monta pas même suffisamment
pou r nous permettre de nous redresser et nous n ’eûmes que
n e u f pieds d ’eau d u côte d u large. Il semblait qu ’un ras de marée
seu l avait p u n ou s mettre dans cette fâcheuse p osition . Le
commandant d ’Urv ille v in t alors à bord et témoigna son espoir de
mettre p lus facilement à flot que la Zélée. Il donna des
ordres pour que le lendemain matin nous lu i envoyassions tou t
notre équipage ; car son intention était alors de tâcher de sauver
d ’abord u ne des deux corvettes. Nous disposâmes dans l’après-
m id i, u ne autre ancre à jet pour la mouiller un p eu au large
de notre ancre de bossoir, et ensuite nous attendîmes avec im patience
l’autre marée pour voir si elle nous serait p lu s favorable.
N ou s l’espérions peu et nous nous résignions déjà à
renonc er provisoirement à sauver noti'c corvette p our concenti’cr
to u s nos moyens sur XAstrolabe ; dans la mauvaise position
o ù nous nous tr o u v io n s , il n ’y avait pas de parti p lu s sage à
prendre.
Dans la soirée le jusant fut extrêmement fo r t, le r é c if assécha
, tou t à fait, et vers sept heures et demie notre in clinaison atteignit
22 degrés; mais celle de XAstrolabe en ce moment fut telle que chac
u n crut q u’elle allait chavirer, et l’on prit toutes les dispositions
p ou r sauver l’équipage et les matériaux de l’expédition.
A h u it heures d u soir , la marée commença à monter dès
onze heures,, la corvette se redressa ; nos espérances se ranimèrent
alors et nous commençâmes à virer successivement sur les
grelins et le câble. A m in u it, nous sentîmes que le bâtiment
commençait à s’ébranler; l’avant s’abattit bientôt après et vint à
l’appel des ancres q u i se trouvaient mouillés dans une très-bonne
direction. Nos hommes redoublèrent alors d’ardeur, et après des
efforts considérables au cabestan et sur des caliornes q u i agissaient
simultanément, nous réussîmes à nous mettre à flot et nous passâmes
le reste de la n u it mouillé s sur notre ancre d u large, à quarante
brasses environ du récif. La joie la p lu s vive éclata a b o r d ,
car on ne p ou v a it se dissimuler q u e , pendant l’échouage, il nous
était resté bien p eu d’espoir de sauver la corvette ; l’idée d ’être
obligés de gagner u n port dans nos embarcations se présentait
sous des couleurs d’autant p lu s sombres, q u ’un espace de mer
im m en sen ou s en séparait, et en cas de réussite n ous ne pouvions
espérer arriver q u ’après avoir perdu le fruit de trois années de
peine et tous les travaux de l’expédition. Notre bonne fortune
eû t été complète s i , quand le jour p a r u t, n ous n ’avions vu
XAstrolabe échouée encore dans la même position que la veille ,
la marée l ’avait même jetée un peu en dedans.
N ous lu i envoyâmes aussitôt tous le s hommes disponibles de
notre équipage pour l’aider. On visita le gouvernail : par u n
bonheur inespéré, toutes les secousses q u ’il avait éprouvées ne
lu i avaient causé au cu ne avarie. La journée fut tr è s-b e lle et
XAstrolabe réussit comme nous à se désécbouer pendant la n u it.
N ou s travaillâmes après à nous regréer et à recueillir nos ancres.
L’ancre de bossoii’, q ue nous avions m ouillé e le premier jou i’,
avait perdu u n e p a tte .........
Le 11 ju in , la journée fu t tr è s-b e lle . On envoya nos canots
reconnaître la passe ; comme ils ne revinrent que le soir, on remit
l’appareillage au lendemain. Nous vîmes pendant cette journée
p lusieu rs grandes pirogues montées par un grand nombre de
naturels qui traversèrent le canal de la côte de l’île Jarvis à celle
de l’île Mulgrave. Elles furent tellement effrayées de rencontrer
nos canots, que l’une d ’elles alla s’échouer sur u n e des îles de la
passe. Il est probable cependant que si elles n’avaient pas vu nos
corvettes aussi bien montées qu ’elles l’étaient, elles les eussent
attaquées, {M . Dubouzet.)