1840.
Mai.
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Devant nous et à petite distance, s’élevaient une
foule de petites îles dont la plupart étaient habitées ;
dans le lointain, on apercevait de hauts sommets,
qni semblaient appartenir à une même terre considérablement
étendue; toutefois, à mesure que
nous nous en approchions, nous apercevions des canaux
nombreux qui semblaient découper la cête,
de manière à former une multitude d’îles. Il serait
possible que cette partie de la cête qui, comme
on le verra plus tard , semble faire corps avec la Nou-
velle-Guinée, ne fût composée que d’une réunion
d’îles très-rapprochées les unes des autres, et qui
alors appartiendraient à l’archipel de la Louisiade.
Ce problème géographique ne sera entièrement résolu
que lorsque ces terres, toutes françaises, auront
été l’objet d’une reconnaissance spéciale.
Le 27 mai, nous avions atteint le cul-de-sac de
XOrangerie, ainsi nommé par Bougainville, et qui
limite à l’ouest le cbamp de ses découvertes. L’aspect
que présente la terre en cet endroit répond parfaitement
à la description pompeuse que nous a
laissée le découvreur français. Dans le fond de la
baie, le terrain s’élève par une pente douce à partir
du rivage, et laisse voir partout une magnifique végétation.
Dans la baie les eaux paraissent parfaitement
tranquilles, et sans aucun doute on pourra
y trouver d’excellents mouillages à l ’abri des hautes
terres qui la bornent à f est et à l’ouest, et qu i, suivant
toute probabilité, forment des îles séparées de
la Nouvelîe-Giiinée par des canaux étroits. J’aiirais
volontiers cherché à mouiller sur ces terres ;
d’autant plus qu’elles paraissaient habitées par une
population nombreuse el intéressante à étudier, mais,
comme je l’ai dit, des douleurs d’entrailles ne me
laissaient plus aucun repos, et je redoutais à chaque
instant d’être forcé de m’arrêter dans les travaux que
j’avais entrepris, avant de les terminer; d’un autre
cêté, je savais que les pluies étaient très-fréquentes
dans ces parages, je pouvais donc à chaque instant
voir nos travaux interrompus par des circonstances
indépendantes de ma volonté.
Cependant, un instant j’espérais de pouvoir au
moins communiquer sous voiles avec les habitants de
ces contrées si peu connues. Pendant toute la journée,
nous avions fréquemment aperçu des pirogues se
détachant de la terre, et chaque fois elles semblaient
se diriger sur nous, mais ensuite, en voyant la vitesse
qu’avaient nos navires, elles avaient renoncé
à leurs projets. Enfin, par le travers du cul-de-sac
de l’Orangerie, nous vîmes deux petites embarcations
se diriger sur nous et continuer à pagayer avec
persistance. Je donnai l’ordre de mettre le navire en
panne pour les attendre, il leur devint alors facile
de nous atteindre. La première pirogue qui s’approcha
de nous s’arrêta à une petite distance de
Y Astrolabe : six hommes la montaient; fu n d’eux, qui
probablement était un chef, se tenait debout au milieu
de l’embarcation ; il portait au bras et au cou
des ornements faits avec des coquilles enlacées dans
une môme tresse; autour de la taille, il avait une