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Mai.
Quoiqu’il en soit, à l’époque de notre passage à la
Baie des Iles, le manque de bras se faisait vivement
sentir; le sol avait été envabi par une foule d’aventuriers,
pour qui letravail était trop pénible et dont l’industrie
se réduisait à gagner de l’argent sans se donner
beaucoup de peine. Les ouvriers européens étaient
excessivement rares, et leurs salaires très-élevés ; on
ne pouvait faire édifier une maison qu’à des prix excessifs,
et la culture de la terre était tout à fait impossible
; aussi, pendant notre court séjour, nous ne
trouvâmes d’autres approvisionnements, que quelques
légumes, des pommes de terre et des cocbons que
l’on payait trois fois plus cber qu’à Hobart-Town.
Peut-être aurait-on pu, à l’établissement des missions
anglaises, se procurer quelques boeufs dont elles sont
pourvues depuis longtemps, mais le village de Koro-
ra-Beka était dénué de ces ressources. Cette relâche
était donc la plus mauvaise possible pour le
ravitaillement des équipages; mais la beauté du
port, sa position avantageuse y faisait affluer les
baleiniers, qu i, d’ailleurs, y rencontraient en abondance
les agrès et les ustensiles de pêche dont ils
pouvaient avoir besoin.
Malgré les efforts des missionnaires, les Nouveaux-
Zélandais sont encore tout à fait impropres à former
un peuple et à se constituer en société à l’exemple
des pays civilisés. Il leur manque unélément indispensable,
Tamour du travail et le sentiment de sa nécessité.
Leur intelligence naturelle, leur caractère
énergique, qui avaient fait naître tant d’espérances
chez les hommes célèbres qui eurent les premières
communications avec e u x , n’ont donné aucun des
résultats auxquels on s’attendait. Leur paresse naturelle,
leur indifférence pour tout ce qui les touche ,
arrêtent cbez eux toute espèce de progrès ; aujourd’hui
que les Européens ont envahi leur so l, tout
fait présager que bientôt les Nouveaux-Zélandais subiront
le sort de toutes les tribus d’Amérique qui se
sont trouvées en contact avec les populations des
Etats-Unis. En Amérique comme sur la Nouvelle-
Zélande, les émigrants anglais n’eurent point recours
à la force pour refouler les Sauvages; ils acquirent
les terres de leurs légitimes propriétaires. Comme
les bordes américaines, les tribus zélandaises rétrograderont
vers l’intérieur : là le sol pourra longtemps
encore fournir à leurs besoins; mais ensuite ces
peuples, pressés de plus en plu s, seront écrasés
par la concurrence de leurs voisins; leur misère,
déjà si grande, croîtra de jour en jour; la population
indigène diminuera alors rapidement, et finira
par faire place à un peuple tout européen.
La politique de l’Angleterre, pour arriver à ce but,
évident pour tous aujourd’hui, a été habile et persévérante;
grâce à ses colonies puissantes de TAustra-
lie et à sa nombreuse marine marchande, qui parcourt
ces mers dans tous les sens, les sujets anglais se sont
répandus d’eux-mêmes dans tous les ports de la Nouvelle
Zélande. Déjà ces îles avaient été envahies par
ces sujets avant que le gouvernement britannique eût
fait une dé monstration; et le jour où il a pu éprouver
Il mm