J840.
Mars.
140 VOYAGE
s’établir a u -d e s su s de nos têtes, voltigeant sans
frayeur jusqu’à nous toucher; avec de Irès-faibles
charges dans nos armes a feu, nous les abattions facilement
sans elfrayer leurs compagnons.
« En attendant le dîner, nous allâmes faire un tour
de promenade le long de la baie ; nous trouvâmes le
l ivage couvert d’arbres et garni de gros blocs de basalte,
brisés et renversés les uns sur les autres, de
manière â offrir l’image de la destruction et du
chaos; cependant les phoques, ces animaux si mal
organisés pour se mouvoir sur terre, parviennent â
grimper sur ces rochers, où ils cherchent un lieu de
repos dans l'épaisseur des bois, à quelques cent pas
de la mer, leur élément favori. C’est là que les baleiniers
leur font la chasse pour recueillir leur peau
qui a une valeur assez élevée (20 fr. environ chaque),
quoiqu’ils ne soient pas de l’espèce appelée
phoques à fourrure. On rencontre à chaque pas des
cadavres de ces animaux à moitié décomposés, et
dont les crânes sont en général brisés; nous en
trouvâmes un, entre autres, d’une taille gigantesque;
il avait été tué quelques jours auparavant à coups
de lance, et sa tête était intacte. Le capitaine Robinson
la fit couper afin d’en faire présent à M. Dumontier
qui la lui avait demandée.
« Nous continuâmes notre route vers Tentrée de la
grande baie que nous étions venus reccnnaître quelques
heures auparavant. Les rochers du rivage devenaient
de plus en plus escarpés ; enfin nous arrivâmes
sur la pointe de cette baie, que nous trouvâmes
tout à fait dénudée. La surface de la mer était recouverte
par des algues marines d’une dimension énorme,
qui s’agitaient en tous sens sous l’influence des lames ;
des plantes à larges feuilles, et rasant la terre, semblent
chercher les petites inflexions du terrain pour
y végéter à l’abri ; des buissons rabougris à peine
nés et déjà morts, indiquent le combat inutile de la
puissance végétative du sol contre Tair acerbe et
salin de ces rivages.
« Cependant ces lieux si peu attrayants, où l’herbe
ne pousse pas, où les arbres meurent, ces lieux paraissent
pleins de charmes pour les cormorans ; ces oiseaux
se rencontrent par milliers sur les roches les
plus abruptes; ils construisent leurs nids dans les
rochers et les anfractuosités du rivage ; loin de fuir à
l’approche de Thomme qu’ils ne connaissent pas , ils
le regardent avec curiosité et sans crainte, et, comme
le pingouin, malgré le bâton levé sur leurs têtes, ils
reçoivent le coup mortel avant d’avoir bougé.
« Nous fîmes environ deux milles avant de rentrer
au camp; on nous apprit que, pendant notre absence,
un phoque avait paru dans le nord de la crique où
nous étions ; un matelot, qui se trouvait à portée,
Tavait immédiatement attaqué ; mais violemment repoussé,
cet homme avait été renversé, et son ennemi
victorieux avait immédiatement disparu dans
Teau.
« Nous étions occupés à dîner, lorsque Ton vint
nous prévenir qu’un phoque montrait sa tête au-
dessus de Teau , et paraissait se diriger vers la petite
1840.
Murs.