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Tous les hommes qui vinrent à boi’d étaient tatoués,
mais je ne remarquai sur aucun d’eux ces dessins
bizarres et compliqués qui, chez eu x , indiquent la
diiïérence du rang, et qui nous avaient si vivement
frappés lors de mon premier voyage, avant que la
Nouvelle-Zélande eût été envahie par les déserteurs
de toutes les nations. Tous ces hommes étaient couverts
de vêtements européens ; ils présentaient sous
ces haillons l ’aspect des misérables de nos grandes
cités; ils étaient repoussants à voir. Ma course de la
veille me laissait peu d’envie de retourner dans leur
village; j’étais souffrant d’ailleurs : un fort accès de
goutte ne me permettait que peu de mouvement;
cependant, après le déjeuner, je m’embarquai dans
ma baleinière avec le capitaine Jacquinot, et je disposai
de ma journée pour visiter le fond du port. A
quelque distance du mouillage, nous rencontrâmes un
vaste banc entièrement couvert d’huîtres : c’était là
une découverte précieuse et dont nous nous promettions
de profiter. Malheureusement ces huîtres, de
petite dimension et d’apparence trompeuse, avaient
un goût détestable, qui nous força bientôt à les abandonner.
Il y avait peu de temps que nous avions quitté le
bord, lorsqu’une forte brise de S. 0 . s’éleva, charriant
des grains de pluie ; nous nous décidâmes à abréger
notre course pour chercher un abri. Nous nous
dirigeâmes vers un petit bois sous lequel nous aperçûmes
deux ou trois cases appartenant, d it-on , au
fds du chef Taïro; nous les trouvâmes occupées par
deux femmes et deux ou trois hommes qui paraissaient
être à leur service. L’une de ces femmes, quoique
très-jeune, paraissait faible et attaquée de phthi-
sie ; l’autre, au contraire, âgée de vingt-cinq à trente
ans, était forte et robuste. Toutes deux nous accueillirent
avec bienveillance, et mirent obligeamment
leurs ustensiles de ménage à la disposition
de nos matelots, pour préparer leur repas. Pendant
ce temps, j’allai faire un tour sur la plage, mais
les souffrances que j’éprouvais à la jambe gauche ne
me permirent pas de m’éloigner beaucoup. A cent pas
environ de ces habitations, j’aperçus le tombeau d’un
chef mort depuis peu de temps ; il se composait simplement
de quelques pierres surmontées d’ossements
de baleine et entourées d’une forte palissade ; le tout
était peint en rouge d’ocre; les vêtements du mort
étaient suspendus aux branches d’un arbre voisin, où
ils devaient être détruits par le temps.
Lors de mon premier voyage, sur tous les points
de la Nouvelle-Zélande où j’avais touché, j’avais
trouvé parmi les naturels la cérémonie du Tabou dans
toute sa vigueur ; à Otago, je n’en remarquai plus
aucun indice : cependant les deux femmes de la case
s’opposèrent vivement à ce que nos matelots, qui
avaient besoin de bois pour faire cuire leur repas,
prissent celui qui se trouvait dans le voisinage du
tombeau; deux fois elles vinrent elles-mêmes replacer
le bois qui avait été enlevé par nos hommes,
en leur faisant signe d’en aller chercher pour leur
usage dans une direction opposée. Il est certain que
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