’ y
Nous n ’avons que peu de détails sur celte prise de possession
si contestée. Nous ignorons même s’il a été assigné quelques limites
à la nouv e lle province que l’Angleterre prétend ranger sous
sa domination , ou si la Nouv elle -Zélan de tout en tiè r e , composée
des îles M a o u r i, Tavaï et S tew a r t, doit passer sous le joug
br itan nique . Quoi q u ’il en so it ,il paraît que le capitaine Hobson
a y a n t, par l’entremise des missionnaires de sa nation , convoqué
tous les chefs des tribus in d ig èn e s, leur fit part des intentions de
son g ou v e rn em en t, et leur proposa de reconnaître le patronage,
le protectorat, en un m o t, le jo u g maternel de la reine ’Victoria,
la plus puissante et la plus douce entre toutes les reines. Les caresses
et les présents ne furent pas épargnés pou r obtenir l’adhésion
des plu s récalcitrants; le vin et les liqueurs coulèrent à grands
flots pour donner aux Sauvages un a v an t-goû t des joies et du
bonh eu r q u i leur était promis. On essaya m êm e , d it - o n , de se
servir de l’influence de notre évêque pour séduire q u e lq u e s-u n s
des chefs. Plu sieu r s ne savaient pas ce q u ’on voulait obtenir
d’e u x , d ’autres étaient a b s en ts , d’autres enfin protestèrent o u vertement
contre l’occupation du territoire par les étrangers. On
réunit pourtant un assez grand nombre d’adhésions pour couvrir
l’acte q u i fut rédigé à cet effet, des burlesques cachets des
chefs zélandais q u i , en pareil cas , adoptent souvent pour armes
le tatouage bizarre dont leu r nez est sillonn é.
Nanti de cette p iè c e , le gouverneur Hobson p rocéda, avec le
cérémonial u s it é , à la prise de po sse ssion . Le pavillon bi’ita n n i-
que fut arboré sur la presqu’île de Korora-Réka , u n petit détachement
de soldats fut débarqué. Plu sieu r s fonctionnaires sont
nommés , et en route pour se rendre à leur poste , l’un d’eux a le
vain titre de protecteur des in dig ène s, protector o f thc aborígenes,
q u i , pou r remplir dignement son em p lo i, n’aurait je pense
rien de mieux à faire que de déchirer l’acte de spoliation. Les
chefs insoumis ont vainement essayé d ’appnyer par la force leur
protestation. Ayant rallié une troupe de 2 à 3oo h om m e s, ils ont
marché sur Korora-Réka, où les Européens commençaient à s’é tablir
; mais c eu x -c i ont pris les armes et fait si bonne conten
an c e , que les Zélandais n’ont pas osé les attaquer et se sont
débandés.
Le capitaine Hobson ayant trouvé l’emplacement de Korora-
Reka occupé par les spéculateurs q u i ne v oulaient céder leur terrain
q u ’cà des prix exho rb itanls, est allé chercher ailleurs un emplacement
p ou r y fonder une v ille . C’est sur les bords de là rivière
Kavra-Kawa que doit naître la capitale de la Zélande britannique,
la cité Victoria q u i n’existe encore q u ’en projet. Pendant que le
fondateur médite les plans de sa nou velle v ille et rêve à sa splendeur
fu tu r e , les A n g la is, Français , Américains v en us de la Baie
des I le s , résident à Korora-Reka , q u i, par les avantages de sa
position et de son ancrage, l’emportera sur Victoria, lorsque cette
v ille aura v u le jou r . C’est là que se font les affaires et les trafics
de toute espèce; c’est là que les courtiers circulent et colportent
les actions de la nou velle banque ; c’est là que les procureurs,
les notaires rédigent leur grimoire dans u n e mauvaise baraque ,
et p ou r ainsi dire en plein vent. Là sont l’église p ro te stan te , la
chapelle c a th o liq u e , le re stau ran t, les ca fé s, les b illa rd s, les magasins
, le cercle d u commerce et les maisons de j o ie .... q u i s élèvent
sous la forme d’une case en planches , d ’u n e h u tte en jo n c ,
ou d’une simple tente ; m a is , de même que Paris ne s’est pas fait
en un jo u r , il ne manque au petit bourg de Korora-Reka q ue d u
temps pour devenir v i l l e , du temps et d u c r é d it, surtout d u
crédit. Il ne faut donc pas s’étonner si dans toutes leurs grandes
entreprises de colonisation , de fondation de villes n ou v e lle s, les
Anglais et les Américains débutent toujours par 1 établissement
des banques, q u i seules p euv ent donner à leurs capitaux u ne
valeur fictive ; c in q , dix et même cent fois p lu s forte.
{M . Roquemaurel.')
Note 2 3 , page 204.
Korora-Reka p eu t être considérée aujourd’h u i comme u ne
station européenne. A la place des mauvaises huttes des indigènes,
il s’élève une petite ville q u i tend à prendre un assez grand