pays nouveau, où, soiiinis à de sages règlemenls, à
un Iravail d’avenir, ils poiirraient, par une conduite
exemplaire, arriver à une position indépendante et
libre, sans crainte delà llétrissiire morale qui, dans
noire Europe, allaclie pour toujours la réprobation
de la société à la personne et même à la famille des
malbeureux qui ont subi une peine infamante; on
avait pensé, d is -j e , que loin de la tentation, enlevé
à ses antécédents, à ces dégradantes misères de nos
grandes villes qui engendrent tant de crimes, le voleur
et le faussaire pourraient redevenir un jour des
membres utiles de la société. C’était, certes, une noble
pensée, mais pour la réaliser, il eût fallu que les
nouvelles colonies ne fussent formées que des mêmes
éléments. Sans doute, la seconde génération eût valu
mieux que la première, et la troisième ou la quatrième
eussent été entièrement lavées du péché originel.
A Hobart-Town et à Sidney, plusieurs convicts
sont arrivés, à force d’industrie, à se créer des
positions indépendantes. Quelques-uns sont possesseurs
de grandes fortunes. Ces hommes ont sans
doute racheté leur faute, mais la population libre,
le colon, le planteur, le simple ouvrier, le plus misérable
journalier, fier de n’avoir jamais paru devant
une cour d’assises, les montre au doigt. Leurs crimes
ou leurs délits n’ont pas été oubliés, et leurs enfants
en portent la peine.
A diverses reprises, les gouverneurs qui se sont
succédé dans l’administration des colonies pénales,
tentèrent des rapprochements entre les deux classes
principales, les hommes libres {free men) et les
émancipés {emancipists). Ce fut toujours en vain, h'
sentiment de répulsion jiaraît insurmontable, .le ne
peux mieux le comparer (jn’a celui (jui existe en Amérique
;i Tégard des hommes de couleur. Personne
ne voudrait épouser labile, la petite-fille même d’un
homme qui a été mis au carcan sur une place de
Londres. Peut-être ce préjugé, si préjugé il y a, s’e f-
bicera-t-il dans un siècle, mais aujourd’hui il est dans
toute sa force ; on est toujours tenté de croire que
ce n’est pas par des moyens bien légitimes qu’un voleur
de profession a acquis sa fortune.
Le propriétaire de la maison que nous occupons
est un israélite qui avait été condamné à être pendu
avec son frère, pour un vol commis avec effraction
dans la boutique d’un bijoutier. Déjà on lui avait
passé au cou le fatal noeud coulant, et il allait être
lancé dans l’éternité, lorsqu’arriva un ordre qui
commuait sa peine à celle de la déportation à vie*
Après quelques années de séjour dans îa colonie,
après avoir successivement passé par le bagne, le
service du gouvernement et celui des particuliers,
sa bonne conduite le fit remarquer ; on lui accorda,
avec un ticket of leave, la liberté de travailler pour
son compte ; enfin il fut gracié, mais sous la condition
expresse de ne jamais sortir de l’île. S ... commença
par vendre du grog aux matelots, peu à peu
son commerce prospéra ; sa modeste buvette devint
un vaste magasin de vins, et aujourd’hui on le cite
comme un des plus riches emancipists de la colonie.
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