su r lesquelles sa joue reposait encore, viendrait à lu i manquer,
la mer le soulageant, il devait chavirer. D’un autre c ô té , nous
remarquions avec plaisir que la mer montait cette fois beaucoup
p lu s qu ’à la précédente marée et que si nous échappions au premier
p é ril, il nous restait de fortes chances de dégager la corvette
de son lit de corail.
Aussi fù t-c e u n e véritable joie quand la corvette se mit à relever
sa mâture lentement, mais avec majesté.
( M. Coupvent.)
Note 32, page 240.
Gomment dépeindre exactement les sentiments divers de tous
les membres de l’expédition, dans cette journée du 2 ju in i 84o,
devant la déplorable situation des deux corvettes, je té e s, par un
raz de marée, presque à sec sur les récifs de Tîle Toud. La Zélée,
encastrée dans un lit de c o r a u x , n ’ayant plus que deux pieds
d ’eau à bâbord et quatre à tribord , semblait échapper au x prévisions
les p lu s favorables. \dAstrolabe, susp en du e su r les bords
de ces redoutables é c u e ils , s’in c linait de p lu s en p lu s sur son
flanc de bâbord , où la sonde rapportait treize pieds , tandis q u ’à
tribord elle était presque à sec. Déjà l’inclinaison était telle, q u ’il
était devenu très-difficile de se tenir sur le pont. 11 avait fallu y
clouer des lite au x , dont on se servait comme des bâtons d ’une
é ch e lle .......
L ’île , ou plu tô t l’îlot de T o u d , misérable attolon de sable, formé
par les débris des c o r a u x , couvert à peine de qu elques arbres ,
ne pouvait offrir que des ressources bien pr écair es, dans le cas
plu s que probable de la perte des deux navires. Cependant il n’y
avait d’autre parti à prendre que de s’y réfugier e t d’y construire
u n navire avec les débris des deux corvettes, ou b ien de s’aventurer
sur les embarcations du b o r d ,à l’imitation de B lig h , pou r
accomplir u ne traversée de deux ou trois cents lie u e s , par les
grosses mers d’u n e mousson orageuse, presque sans vivres et sans
armes, pour ne pas surcharger les canots , et avec la certitude de
rencontrer des peuplades hostiles et guerrières.
T e lle avait été à p eu près la position de Cook à l ’entrée d u
même d é tr o it, mais dans des parages p lu s favorables. Il avait p u
radouber son navire VEndeavour-, nous n’avions pas une perspective
aussi favorable. On ap p r en d , dans de semblables épreuves
, à envisager avec une stoïque résignation les chances favorables
ou contraires q u i peuvent amener o u prévenir la ruine
d’un navire et la perte d’un équipage. Placés sur le bord de l’a bîm
e , nous étions réduits à attendre patiemment les résultats
des cii’constances q u i devaient déterminer o u détourner une
catastrophe imminente
Déjà les probabilités étaient toutes c o n tr en o u s. P ou r tan t, je ne
sais que l espoir secret, que rien ne justifiait, régnait encore d’échapper
à la ru ine qui nous m enaçait. T an t de bonheur avait accompagné
notre longue n a v ig a tio n , nous avions bravé tant de
pé r ils, nous étions sortis de tant de situations difficiles, désespérées
même, q u ’il semblait impossible que l’expédition fût si près
de sa perte. Il fallait la vue de Y Astrolabe renversée sur le côté, et
celle des récifs effleurissant à quelques pieds de n o u s , pour nous
pénétrer de la réalité de notre situ a tion . 11 était triste alors
de penser que ces deux navii’es allaient périr au moment où , libres
de toute n ou v e lle exploration, à la fin de longs et pénibles
tra v au x , ils devaient effectuer leur retour en F ran c e , avec un
chai’gement de m atériaux précieux pou r la science, payés du prix
de mille privations et de mille fatigues !
L ’activité la p lu s grande n ’avait cessé de régner dans les travaux
de l’équipage. Peine in u tile ! elle n ’aboutit en réalité à aucun résulta
t favorable. Il ne fut même pas possible de caler les mâts de
h u n e , dont le poids ajoutait u n e force de p lu s à l’abattage de la
corvette. Le courant q u i régnait frustrait tous les efforts tentés
pour placer des béquilles afin de la soutenir.
H était devenu impossible de faire cu ire des aliments. Vers
midi, d u b iscu it e tq ne lque s provisions froides firent les frais d’un