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ries européennes présente un aspect tout aussi repoussant
: il se compose d’une trentaine de cabanes
assises sans ordre les unes h côté des autres, et d’un
aspect misérable. Quelques colons anglais ont commencé
à bâtir dans ce voisinage, près d’une pointe
de rochers sur laquelle s’appuie l’échafaudage de la
pêcherie. On remarquait déjà une douzaine de petits
cottages entourés de jardins où prospéraient
tous les légumes d’Europe. Deux de ces habitations
étaient déjà transformées en cabarets, habituellement
fréquentés par les pêcheurs et les marins des
baleiniers mouillés sur la rade, et surtout par les
indigènes, qui venaient y dépenser leur argent aussitôt
qu’ils se l’étaient procuré. Les propriétaires de
ces tavernes paraissaient faire d’excellentes affaires
; ils avaient parfaitement compris les besoins de
la société au milieu de laquelle ils vivaient. Ils vendaient
, à un prix trè s-é lev é , de l’eaii-de-vie exécrable;
ils accaparaient ainsi non-seulement tout
l ’argent que les indigènes se procuraient avec leurs
denrées, mais encore le salaire des employés des
pêcheries. Ces derniers, recrutés du reste parmi
les déserteurs de tous les baleiniers qui fréquentent
le p o r t, présentaient un assemblage bizarre, où
toutes les nations commerçantes d’Europe étaient
représentées. Autour de ce village, on remarquait
quelques cultures de pommes de terre faites par les
naturels. C’est aux femmes que reviennent les travaux
de CCS cultures ; il est rare de voir les hommes
travailler à la terre. Dans la forêt, on trouvait encore,
de distance en distance, quelques petits carrés défrichés
et complantés de pommes de terre, de laitues
et de navets. Ces cultures appartenaient presque
toutes aux Européens, q u i, dédaignant de se livrer
eux-mêmes à ces travaux, y employaient des femmes
indigènes, et quelquefois des hommes, pour de faibles
rétributions d’eau-de-vie. Ces exploitations donnaient
lieu fréquemment à des rixes. Un mois environ avant
notre arrivée, à la suite d’une dispute, un Américain
avait été tué par un naturel, qui fut arrêté en raison
de ce fait, pour être envoyé à Sidney; mais ce malheureux,
plutôt que d’attendre une condamnation,
préféra se donner la mort et fit partager son sort à sa
femme. Depuis lors, la bonne harmonie ne s’est
jamais rétablie entre les indigènes et les étrangers,
et au moment de notre passage, il existait une méfiance
mutuelle entre les deux partis.
Pendant le temps de notre séjour, les naturels ne
cessèrent de communiquer avec nous, en cherchant
à trafiquer des objets qui étaient à leur disposition,
pour obtenir soit de l’argent, soit des vêtements d’Europe.
Les provisions qu’ils nous offraient consistaient
en cochons et en pommes de terre; le prix en était
assez élevé : un porc de 40 kil. coûtait de 16 à
18 schellings (environ 20 francs). Dès le premier
jour, je fis acheter un de ces animaux pour l’équipage,
mais nos matelots en trouvèrent la chair si
mauvaise, qu’ils la laissèrent; on dut y renoncer,
mais on put faire une ample provision d’excellentes
pommes de terre.
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