une belle l'oi êt; mais plus de ces lianes inextricables
de ces formidables épines qui rebutent le chasseur h
plus intrépide; la hache civilisatrice avait fait justice
de tous ces obstacles. Nous cheminions au petit pas de
nos chevaux; j’étais sous une impression délicieuse,
etcependantcen’étaitpluslàlamajestueusevégétation
de la zone torride ; ce n’étaient plus ces gigantesques
palmiers, ces magnifiques massifs de bambous, ces
cocotiers qui, chargés de fruits, balançaient mollement
dans les airs leur élégante couronne de verdure.
Mais ces arbres étaient ceux de mon pays; mais ces
modestes fleurs qui, gracieuses et frêles, montraient
coquettement leur corolle blanche au milieu de l’herbe
fraîche, c étaient la douce pâquerette, la rose sauvage,
toute la végétation de ma France bien-aimée.
Je venais d’échapper à une longue et douloureuse
maladie, vingt fois, je m’étais vu sur le point de succomber.
Au milieu de cette douce nature, je renaissais
a la vie, et désormais j’avais la conviction que,
malgré le long et périlleux voyage qui me restait à
faire, je reverrais la France. Oh! si, aussi heureux
que moi, ils eussent pu arriver jusqu’ici, Marescot,
afarge, Gourdin, Goupil et tant de braves matelots
que nous avons semés sur l’Océan, vivraient encore;
eur jeunesse, leur vigoureuse constitution eût triomphé.
En sortant du bois, nous prîmes un joli sentier qui
serpentait a travers des terres nouvellement défrichées.
Une élégante habitation, bâtie sur une colline
assez elevee, domine tout le pays; au bout de dix
minutes nous mettions pied à terre devant un joli perron
garni d’arbustes couverts de fleurs. Le propriétaire,
M. Smith, nous reçut sur le seuil de sa porte
et nous introduisit dans un salon où plusieurs dames
brodaient autour d’un guéridon. J’étais presque chez
des compatriotes. M. et madame Smith sont créoles
de Saint-Domingue.
En arrivant dans la Tasmanie, qu’il habite depuis
longtemps, M. Smith y a acquis une grande quantité
de terrain inculte et sauvage, qui, par ses soins éclaires,
est devenu une admirable propriété. La maison est a
peu près au centre de son vaste domaine, et il vit
noblement sur ses terres au milieu de sa famille et
entouré de nombreux serviteurs. C’est une existence
toute patriarcale. La colonie n’offre malheureusement
aucune ressource pour l’éducation des jeunes
gens, aussi a-t-il été obligé d’envoyer ses deux fils au
collège en France et en Angleterre.
M. Smith emploie un nombre considérable de convicts
des deux sexes; leurs habitations forment un
petit village; bien vêtus, largement nourris, traités
avec douceur, ils sont certes dans une condition meil-
lènre que la plupart des journaliers en France, et
cependant ce sont les plus hardis malfaiteurs, les plus
dangereux filous de l’Angleterre. Tous ces hommes
ont au moins volé ; n’est-il pas de toute justice qu ils
travaillent à la prospérité de la société qui les a temporairement
rejetés de son sein en expiation de leurs
crimes? Et quand à lèur amélioration morale, ne sont-
ils pas dans la meilleure condition? Astreints au trati