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leur résislaiice ne peut c ire attribuée qu’aux e x igences
du Tabou , q u i , comme on le s a it , entoure
d’un respect solen nel la tombe des morts et le s objets
qui TenAironnent. ,
Je causais tranquillement avec MM. Jacquinot et
Dubouzet,lorsque ces deux femmes que nous avions
laissées au milieu de nos matelots, voulant sans doute
échapper à leurs tracasseries, vinrent se réfugier auprès
de nous. Dans un,pays où les hommes senties
premiers à prostituer leurs femmes, la sagesse de
celles-ci ne pouvait être considérée comme très-
réelle; cependant elles nous parurent faire preuve
d’une certaine retenue. La plus jeune, mariée au jeune
Taïro, se nommait Taro-Taro; elle montrait constamment
sa poitrine, qui la faisait cruellement
souffrir. Elle avait adopté deux enfants appartenant
à son mari, probablement nés d’un premier
lit. Elle nous faisait parfaitement comprendre, par
signes, qu’elle ne se souciait nullement de son m ari,
parce qu’il était borgne, et que cette infirmité lui
inspirait une répugnance invincible. L’autre élait
forte et robuste; j’ignore quels liens l’attachaient
à Taïro, mais elle reconnaissait la suprématie de
Taro-Taro et obéissait à ses ordres. Les joues caves,
les yeux hagards et cernés de la plus jeune de ces
deux femmes, indiquaient suffisamment qu’avant peu
de temps elle céderait la place, probablement vivement
attendue par sa compagne.
A trois heures, le jusant nous amena le courant
favoralde pour regagner nos corvettes ; je me hâtai
d’en profiler, car le temps s’était mis tout à fait à
l’orage, et les douleurs ne me laissaient plus aucun
repos. J’avais l’intention d’aller le lendemain visiter
le village européen, mais je dus y renoncer; la goutte
disposa de moi autrement ; l’inaction à laquelle elle me
condamna me permit du moins de voir le chef Taïro :
il se présenta h bord de VAstrolabe, accompagné de
plusieurs de ses gens, vêtus comme lui de haillons. Il
me dit qu’il était venu pour me saluer, mais je ne
tardai pas à voir qu’il poursuivait un autre but, celui
de me rançonner : pendant les quelques heures qu’il
passa à bord, il ne fit autre chose que demander. Il
recherchait surtout les étoffes, dont il était fort
avide ; enfin, il se montra sous le jour d’un fripon
habile, plutêt que sous celui d’un chef de guerriers.
Pour m’en débarrasser et dans l’intérêt des navires
français qui viendraient après nous mouiller sur la
rade, je lui fis donner plusieurs brasses d’étoffes;
mais, loin de se trouver satisfait, cet homme, d’une
avidité insatiable, voulut mettre un prix plus élevé
encore à une protection dont il était incapable, et
dont il ne devait donner aucune preuve manifeste.
,11 devint tellement pressant dans ses demandes,
qu’il finit par me fatiguer, et je lui tournai le dos.
Telle est la conséquence du contact des Européens avec
ces insulaires qui, il y a quelque temps encore,
occupaient une place si élevée dans 1 échelle des
nations polynésiennes. Mis en rapports avec l’écume
de la société civilisée, ils ont connu ses vices,
bien avant d’en avoir apprécié les qualités: tel est
1840.
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