j-
-¥
!
Y.
f !
R
T
ji
J
iJU
I»' i
■y'-
,1
I11’
¥ il: Y r .
I
s o t NOTES.
A quatre heures, nous sommes en calme, drossés par la h o u le
et la marée sur u n e roche à gauche de Tentrée du p o r t , malgré
nos avirons de galères et les efforts de tout notre équipage. La
coi’vette, emportée dans le l’essac d u brisant, parvient à pai’er la
ro ch e , en la contournant à la distance de qu inze à vingt pieds ;
mais notre malheureux navii’e, devenu le jouet de la lame et du
courant, continue à dériver vers la pointe O. de Tentrée du port,
dont n ous ne sommes p lu s séparés que par u ne centaine de pieds.
Nos voiles , q u i battaient inutilement le lon g des m â t s , ont été
carguées dès q u ’elles n’ont p lu s senti un souffle de vent. On redouble
d’efforts sur les avirons de galère q u i , n ’ayant p u n ou s
maintenir au milieu de la p a s s e , ne sauraient nous l’etirer du
ressac dans lequel nous nous débattons. La po inte ouest de Tentrée
d’Akaroa est formée par u ne falaise de roches q ui se dresse
au-dessus de nos têtes comme une muraille de deux cent cinquante
pieds de h auteur . Son pied , battu par la mer , est hordé d’une
ceinture de roches à fleur d’eau de vingt à trente pieds de large,
su r laquelle la lame vient se briser. VAs tro labe est ven ue flairer
ces r o ch e s , dont Taccoi'e n ’est p lu s q u ’à quelques toises de ses
flancs. Dans cette position c r it iq u e , un échouage enü’aînait la
perte infaillible d u navire et celle d’u n e grande partie de Téquipage.
L’équipage de Y Astrolabe a mesuré de Toeil la faible d istance
q u i le séparait d u redoutable brisant q u i devait Tengloutir.
Il a contemplé cette haute falaise au pied de laquelle la corvette
allait se briser. L’imminence du danger ne Ta point fait sourcillei'.
Cependant, Tofficier expédié le matin pour prendre connaissance
du mouillage, vient d’apercevoir Y Astrolabe ballottée par la lame
au pied de la falaise. Il accourt du fond du port, à force de rames,
ainsi q u’une b a le in iè r e , portant le capitaine du navire français
le Gange. Ils nous apportent le seul moyen de salut q ui puisse
n ou s rester en ce m om en t: c’est u ne bouffée d u N .-O . q u i ,
soufflant déjà dans le port, commence à se faire sentir au haut de
nos mâts en partie abrités par la falaise. Voilà la b iis e , nou s crie
le capitaine b aleinier Faites de la voile et vous serez p a r é s ....
Alors les matelots , laissant les avirons de galère sur lesquels ils
s’épuisaient vainement depuis deux h eur es, se précipitent à Tenvi
sur les manoeuvres, et, dans u n clin d’oe il, les voiles sont établies.
Y Astrolabe, ayant enfin la brise dans ses v o iles, s est b ien tô t
éloignée de la redoutable falaise. N ou s avons alors lou v o y é dans
la passe et atteint le mouillage à sept heures du soir. L Zé/éc est restée au large. Croyant u n instant, dans 1 ap r è s-
midi, que Y Astrolabe était sur le p o in t de se jeter sur la po inte est
de Tentrée, elle a mis son grand canot à Teau p ou r n ous porter
secours. Mais l’ayant p lu s tard aperçue dans la passe, elle a gai de
son canot dont nous n’avions p lu s b e so in .
Cinq o u six hu tte s délabrées et misérables sont plantées sur le
bord d u ruisseau. Les êtres animés, q u i les occupen t, appartiennent
à Tespèce h umaine , car ils se groupent autour d u n feu
q u’ils savent entretenir p i s savent même articuler que ques sons
et parler u n e langue , ce q u i les distingue de la famille des singes.
Mais s i , à ces caractères, on p eu t reconnaître la race hum a in e ,
il n’est pas aussi facile de distinguer les sexes. En pareille maliere,
Toeil du matelot est souvent plus clairvoyant que c e lu i du grave
observateur. A u ssi, nos canotiers, en mettant le pied à terre, ont-
ils tou t d’abord r e connu le sexe féminin , re beau sexe, q u i, en
tou s lieu x comme en France, même à la N ou v e lle -Z é lan d e , a
droit à leurs hommages. L’échange des civilités fu t suivm d «n e
déclaration dans les formes, après qu o i fut cimentee 1 alliance
entre les deux peuples, dans moins de temps qu ’il n e nous en
fallut pou r examiner le cours d u ruisseau et p o u r v o ir a quelle
hauteur le flot pouvait remonter. A notre retour, nous trouvâmes
ces êtres crasseux et misérables, que n ous avions laissés accroupis
autour d’u n f e u , transformés en naïades échevelées q u i aidaient
en riant, nos matelots à lessiver leur linge.
(M . Roquemaurel. )