tlurce; nous franchîmes tout juste ce dangereux o b s ta c le ,
qui nous rappela Tadagc con n u des marins « où il y a terre il y a
danger.» P u is sous la misaine au bas ris, nous courûmes rond ement
sur une merde p lu s en plus dure, pendant q u e lam o itié des
canotiers vidait l’eau de notre embarcation à moitié submergée.
A peine débarqués, le temps devint affreux. U n e p lu ie battante
accompagna sans relâche d’imp étueuses rafales q u i secouaient
rudement la végétation rabougrie des collines v o isine s. On dressa
su r -le-ch am p une tente su r des avirons en croix, appuyés contre la
p a ïo i d un rocher ; mais cet abri devint insuffisant; la p lu ie sémi-
lait à travers la toile , et puis le froid devint si vif q u ’il fallut
se réfugier dans les anfractuosités d ’une petite falaise, où de
grands feux étaient allumés avec l’art et la profusion q u i sont
dans les h abitudes des matelots. La n u it se passa à changer alternativement
le côté du corps exposé à la p lu ie ou à la flamme du
foyer improvisé. Dans cette longu e attente d u jo u r , chacun de
nou s trahitses penchants dominants. Quelques canotiers cherchèrent
la m oitié de la n u it à trouver u n endroit ou un abri propice
pour dormir à 1 aise 1 autre m o itié .U n Corse se creusa un troudans
le sable et se couvrit de ramée ; il se releva grelottant. U n groupe
de Bretons ne cessa de faire iamhouille, selon l’expression consa-
c ié e . La pêche avait été abondante dans la jou rn é e ; ils passèrent
leui- temps à accomoder leur poisson de différentes manières et
à discuter le mérite comparatif de leurs procédés culinair es. Le
patron d u c a n o t , le brave R eynaud , veillait sans interruption
sur le sort de l ’embarcation, q u i se balançait sur son grappin et
su r ses amarres, en suivant les ondulations de la mer déferlant au
n v a g e . Boyer pestait en songeant aux contrariétés q u i entravaient
ses travaux. Pour ma part, je me bornais à faire l’éloge mental des
vêtements imperméables q u i n ou s manquaient.
Enfin le jou r parut, et avec l’aube le v en te tla pluie d imin uè rent
de violence. Le temps se radoucit ; nous eu avions grand besoin;
tous nous étions blêmes de froid. Gregory, notre Co r se ,s’était mis
a courir dans les broussailles pour réchauffer ses membres engour-
d is ;il revint avec un chapelet de petits oiseaux q u ’il avait tués tout
simplement avec des pierres , tellement ces pauvres animaux
étaient familiers. Encouragé par c et exemple, je pris u n fu s ile l me
mis en quête de gibier. Cette arme me devint in u tile ; il me suffit
d’employer la baguette pou r abattre autant de petits o ise a u x q u ’il
en fallait pour notre déjeûner. M. Boyer avait u tilisé ce temps
pou r prendre des relèvements avec une activité q u i amena
b ien tô t le signal du départ.
La mer était encore grosse, mais en cheminant à l ’abri de la
terre, nous arrivâmes sans encombre à u n e nouvelle station, où
l ’équipage d u canot eu t deux heures de répit pou r préparer le dîner.
Pendant que la marmitte se noircissait à la fumée d u bois
vert, quelques matelots maraudeurs découvrirent des nids d ’albatros,
assez apparents d u reste; ils firent m ain basse sur les oeufs et
sur les mères ; un d’eux tenait par le cou deux de ces palmipèdes
monstres et suait sang et eau pour les amener à bon port. Les
deux pauvres bêtes opposaient leurs larges pattes et leurs grandes
ailes aux efforts d u matelot, q u i, entraîné tantôt à droite, tantôt
à g au ch e , louv o y a it dans les haziers, accompagné des rires des
spectateurs. Les nids de ces oiseaux géants sont presque tous
placés sur les hauteurs d’où la vue domine.' Ils sont grossièrement
faits dans les branches des arbustes q u i croissent en
rampant sur le sol. De toutes parts, les blanches plumes des mères,
accroupies sur leurs couvées, offrent un b u t facile aux balles
des chasseurs ; mais il n’est pas nécessaire de tirer de loin poulies
obtenir. Les malheureuses bètes ne quittent pas leur couvée
et se laissent prendre sur leurs oeufs. D ’autres oiseaux de mer,
des petrels géants , de grands oiseaux gris, sont dans ce cas ; il est
aussi très-facile de s’en emparer lorsqu’ils sont posés à terre, car
avant de prendre leur vol ils sont forcés de courir plusieurs pas
les ailes étendues, et alors on les saisit aisément.
Après une nouvelle station nous reprîmes notre bivouac aterre,
mais cette fois le temps était p lu s favorable ; la n u it nous parut
froide, mais nous n’eûmes pas de p lu ie. A l’aube le calme régnait
dans l’air et sur les eaux ; M. Boyer en profita pour gagner le
large, afin de lever les détails de l’entrée de la rade. Pendant ies
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