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terrible traversée; trois officiers, Marescot, Lafarge,
Gourdin, vingt matelots, avaient succombé. En arrivant
à Hobart-Town, le premier soin du commandant
fut de faire louer une maison saine et aérée, tous les
malades y furent transportés. Malgré la salubrité du
climat et les soins de toute espèce dont ils furent l’objet,
malgré le dévouement de tous les instants de nos
chirurgiens, plusieurs succombèrent, et parmi eu x ,
notre pauvre dessinateur, notre ami à tous, Goupil.
Pauvre jeune homme, plein de talent et d’avenir,
ignorant de la mer, ignorant des terribles hasards
d’une campagne comme la nôtre, son esprit aventureux
avait été séduit par le vaste champ qui lui était
ouvert. Brillante perspective, famille adorée, il avait
tout quitté pour nous suivre ; son courage à l’épreuve
de tout, sa douce, son intarissable gaieté, ne font
pas préservé. Pauvre Goupil! il est mort à vingt-
quatre ans, après une affreuse maladie de soixante-
cinq jours ; porté h sa dernière demeure sur les bras
de soldats anglais, il repose sur une terre étrangère,
aux antipodes de son pays. Autour de la sienne sont
groupées les tombes de nos matelots, et un modeste
monument rappelle aux marins français qui visiteront
ces parages les noms de leurs camarades morts à la
mer... Ceux-là, hélas! n’ont pas eu la triste consolation
de penser qu’ils reposeraient sur une terre amie.
Ils ont eu la sépulture du marin. Ils sont là-bas sous
les longues lames du grand Océan. Des mains pieuses
ont accepté la lâche de veillei’ à la conservation du
triste mausolée.
CHAPITRE LXH.
Traversée (Vilobart-Town aux îles Auckland. — Séjour dans la
baie Sarab’s-B o som (île s A uck lan d ).
A trois heures du matin, le pilote, suivant mes or- ^ 18-40.
drcs, arrivait à bord de Y Astrolabe ; la marée nous
était favorable, la brise, quoique faible, nous poussait
en dehors de la baie; nos corvettes, couvertes de
toile, ne tardèrent pas à s’éloigner. 11 n’était que
raidi lorsque, après avoir dépassé le phare bâti sur la
petite île Direction, nous entrâmes dans la vaste baie
des Tempêtes ; quand la nuit arriva, nous étions déjà
loin de Tîle Yan-Diemen, et nous fîmes nos adieux à
la terre, dont nous apercevions encore le cap Raoul,
malgré les vapeurs du soir.
Aucun événement remarquable ne vint marquer
notre traversée d’Hobart-Town aux îles Auckland :
la brise fut toujours faible, mais favorable ; des courants
rapides aidèrent notre marche ; ils accusaient
sans doute la persistance et la force des vents d’ouest
qu i, dans ces latitudes, régnent presque constamment.