■1840.
3 J u in . Pendant (oute la journée, nous fîmes avec acüvilé
les préparatifs nécessaires pour renflouer VAstrolabe
à la marée de nuit. Nous parvînmes même à soutenir
la corvette avec une béquille, de manière à ne pas
redouter, comme la veille, de la voir chavirer subitement.
Nos équipages purent prendre un peu de repos,
et se préparer aux travaux de la nuit suivante. A cinq
heures du soir, la mer était encore haute; mais, comme
la veille, son niveau fut loin de s’élever pendant le jour
à la limite qu’il atteignait la nuit. La brise était toujours
fraîche, mais le ciel était beau. Vers dix heures
du soir, la basse mer ne nous donna plus qu’une inclinaison
modérée ; enfin, à une heure trente minutes
du matin, plusieurs secousses nous annoncèrent que
la corvette commençait à s’ébranler. La veille, nous
avions mouillé notre dernière ancre, et, dans ce moment,
notre sort dépendait pour ainsi dire du câble
qui nous liait à elle. Trente hommes de la Zélée s’étaient
joints à ceux de VAstrolabe, pour virer au cabestan,
qui pliait sous l’effort de ces braves matelots ;
pendant quelques instants Y Astrolabe s’agitait sur son
lit de coraux, puis la boussole nous indiqua qu’enfin
elle avait fait un léger mouvement. Nos marins, électrisés,
redoublèrent d’efforts ; bientêt l’avant du navire
se trouva dégagé, et alors le courant du flot, qui portait
dans leN. 0 ., s’appuyant sur la joue de tribord et
joignant sa puissance à celle du cabestan, Y Astrolabe
quitta pourjtoujours ces dangereux récifs, aux cris de
joie et de triomphe des deux équipages réunis ! !......
Deux heures de répit furent accordées aux matelots;
mais à six heures du matin, avec le jour, les travaux
recommencèrent. L a ’corvette, mouillée au
milieu du canal, fut affourchée sur deux câbles, par
quatre brasses d’eau. [Nous nous occupâmes ensuite
à relever nos ancres et à réparer notre gréement;
en même temps, que les canots majors des deux navires
allaient examiner en détail, le canal dans lequel
nous nous trouvions; enfin, il fallut travailler aussi à
rétablir l’arrimage dela!cale, totalement bouleverse
par l’abattage.
Malgré la lutte que nos”corvettes venaient de soutenir
contre les récifs de l’île Toud, elles] faisaient
fort peu d’eau. Il était probable cependant qu’elles
avaient souffert de graves avaries *. Mais nous n’avions
ni les moyens de les constater ni les moyens de les réparer.
J’avais hâte de sortir du canal où nous étions
mouillés, et où la rupture d’un câble ou celle d’une
ancre pouvait nous>aire courir de nouveaux^érils.
Toutefois, il nous fallut consacrer quelques jours à la
reconnaissance du passage; il était tellement étroit,
que la moindre imprudence pouvait de nouveau
compromettre la sûreté des bâtiments.
Enfin, le 8 ju in , nous pûmes faire nos dispositions
d’appareillage. Pour ne pas aventurer à la fois les deux
" Après le retour de l’expédition à T o u lo n , il a été reconnu que
les deux corvettes avaient éprouvé de très-fortes avaries lors
de leur échouage sur les récifs de l’île T o u d , et quelles eu ssent
probablement pé ri, si, dans leur traverséede T ou d en France,
elles eussent éprouvé des gros temps, si fréquents dans les p a rages
du cap de Bonnc-Espérance. ^ • U*
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