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i î 280 NOTES.
dans toute l’étendue du c a n a l, q ui ne reçoit que quelques filets
d’eau douce q u i tombent des ravins. Les bords du canal sont c o u verts
de coquillages ; le poisson est ici encore p lu s abon dantqu ’aux
îles Auckland. La seine jetée au d em i-flo t nous a rapporté p lu s de
poissons que nou s n’en p ouvions consommer. Plu sieu r s fois le
jou r , nous avons vu la surface des eaux colorée en j ou g ep a r une
mu ltitude de chevrettes que le flot apporte et que la marée d escendante
entraîne vers la mer, ou jette sur les plages. Dans q u e lques
parties de la baie , ces chevrettes, entassées, forment des lits
de cinq à six pouces d’épaisseur, d ’où s’exhale une odeur fétide.
Ces petits animaux , qu i servent de pâture à la baleine, l’attirent
sans doute ici dans l’hivernage. Il n ’est pas rare, d it -o n , de voir
ces cétacés venir se faire harponner à l’entrée de la baie. Le hâvre
d’Otago paraît être depuis longtemps une bonne station d ép ê ch é .
Les Anglais et les Américains ont établi, sur le bord d u canal,
deux ou trois pêcheries au moyen desquelles les capitaines ayant
des équipages assez nombreux, peuvent dépecer la baleine et en
fondre la g ra isse , tout en con tinu ant leur pêche à la voile ou à
l’ancre.Cespêcheries s’établissent à p en d e frais; elles exigentdeux
vergues croisées en b igue q u’on dresse su r le bord d’une roche assez
accore, un petit cabestan, un fourneau avec quatre chaudières en
fon te , un bassin et quelques tonneaux pour recevoir l’h u ile , mais
rien d é p lu s . Les Anglais ont pourtant, pour surcroît de confortable,
une buvette ou g r o g s hop, dans laquelle un matelot spécu-
lateurdébite à ses compagnons les liqueurs les p lu s incendiaires.
Un officier de Y Astrolabe est chargé de lever le plan d u m o u illage.
Ne trouvant pas d’aiguade à portée, nous renonçons à faire
de 1 eau à Otago. Le pilote nous a parlé d’un petit ruisseau qu’il
faudrait aller chercher à deux milles, dans l ’in térieur et sur les
rives d u canal.
On a acheté des naturels qu i sont venus à bord en assez grand
nombre, des provisions fraîches pour l’équipage, à raison d ’une
couverture de laine blanche ou en coton imprimé , pour un cochon
de m oyenne taille, et d’une brasse d ’indienne pour un panier
de quinze à vingt livres de pommes de terre. On n ’a acheté
que peu de cochons, parce que leur chair a le goût du poisson
dont ils se nourrissent.
Les Français q u i, dans laMalaisie, sontappelés Orang-dls-Donc,
ont reçu des Zélandais le nom de Oui-Oui o u Yanapa, mots q u i,
prononcés souvent par les ma r in s, ont sans doute fi'appé les
naturels. C’est donc par les mots de Oui-Oui que nous avons été
salués par les enfants de la Zélande, q u i, dans leur id iom e , se
nommeut Mâouri. CesMâouri nous ont p a ru , a ia première vu e ,
u ne peuplade bien ignoble , bien dégradée, bien a u -d e sso u s de sa
réputation ; et les guenilles européennes dont elle s'affuble depuis
u n e trentaine d’années q u ’elle est fi’équentée p a r le s b a le in ie r s,
ne contribuent pas à l’embellir. Profitant d u privilège que les
voyageurs se sont approprié de porter un jugement su r les
hommes et les choses q u ’ils ne voient souvent q u ’en p a s sa n t,
n ous dirons que ju sq u ’à une plus ample information, les Mâouri
sont pou r nous u n des peuples les p lu s sau v a g e s, les plus abrutis
q ue n ous ayons vus dans l’Océanie. Ils n ont encore appris
des Européens qu ’à tirer u n coup de fu sil, à boire des liqueurs
enivrantes , et à rechercher les vêtements de laine, toutes importations
q u i leur ont peu profité. Les armes a feu leur on t donné un
moyen p lu s sûr de satisfaire d e s pass'ions barbares, le besoin de
vengeance, la s o if d u sang, 'qui paraissent avoir de tout temps
été dans le caractère de cette peuplade. Les liqueurs spiri-
tueuses déciment chaque jour les guerriers q u i ont échappé aux
embuscades et au g u e t-a p e n s , q u ’avec un peu de poésie on pourrait
appeler des combats homériques. Les couvertures de laine
dans lesquelles ils c roupissent, rongés par la vermine, on t détruit
le peu d’industr ie dont les Zélandais faisaient preuve, dans la
confection de leurs nattes de phormium , et la structure de leurs
cases q u i n’ont jamais été p lu s délabrées qu aujourd h u i. Ce p eu ple
n ’a donc emprunté à la civilisation que des principes de
mort. Il d éc line , d it-o n , de jou r en jo u r , et dans moins d’un siè cle
il n’existera p eu t-ê tr e p lu s . La ru in e de q uelques tribus a n -
tropophages ne sera pas très-regrettable pour l’humanité.
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