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vint à crever, et la p lu ie tomba à torrents. La belle ne savait o ù s e
fourrer ; elle poussait des cris lamentables en défendant sa vilaine
tête de ses deux mains et tournait le dos au grain. Bientôt le beau
temps vint lu i rendre une partie de sa bonne hum eu r ; mais avec
la p lu ie , la poudre q u i couvrait sa tête s ’était fondue ; elle coulait
en ruisseaux sur ses jo u e s , et elle s’enfuit en se cachant la figure,
comme toute honteuse de se laisser voir dans un pareil désordre.
Pendant q u e cette petite scène nous égaie le long du b o rd ,
nous avions recours aux grands moyens. Nous lâchons de m o u iller
l’ancre de veille dans le N. E .; mais le courant est trop v io lent
, e t, malgré toutes nos précautions , la chaloupe dérive trop.
N ous raidissons cependant le grelin au cabestan ; mais l’in c lin a ison
d u navire est telle que les barres de bâbord ne font rien.
Les hommes ne peuvent pas virer. P ou r nous tenir su r le pont,
nous sommes obligés d’y clouer des cabrions, et nous ne pouvons
aller de l’avant à l’arrière q u ’en nou s pommoyant sur des filières.
A n e u fh eu r e s , M. Montravel, qu i vient de sonder, nous rapporte
l ’heureuse nouvelle q u e, dans le chenal, il n’a pas trouvé moins
de trois brasses à m er basse près la pointe de l’île , et cinq à six a u -
delà. A m id i, l’inclinaison d u navire augmente ; la mer, q ui
monte lentement, n’y apporte aucun changement. Nous espérions
que les eaux en montant relèveraient la corvette et q u ’alors, en
fa isan tfo r c eau cab e stan t, nous pourrions la remettre à flo t ; mais
elles montent le lo n g d e ses flancs comme sur une roche, viennent
ju sq u ’aux gueules des canons et s’arrêtent là. N ou s restons donc
les bras croisés , ne sachant trop ce q u i arrivera de tout cela. Le
commandant se rend à bord de la Zélée. A son x’etour, il n o u s an nonce
q ue si dans la n u it nous ne parvenons à remettre les deux
navires à flot, il est décidé à concentrer sur un seu l les ressources
des deux bâtiments , X Astrolabe d ’a b o rd , quitte à Palléger entièrement.
En con séq u en c e , il me donne l’ordre de prendre le commandement
du poste q u i doit occuper l’île. J ’espère que nous n ’au rons
pas besoin d’en venir là ; car ce serait u n travail éno rm e ,
e t , dans l ’état de faiblesse où nous sommes , nous aurions peine
à y suffire. U n e grande marée nous a mis là, une autre p eut nous
en tirer. N ou s sommes à l’abri des grosses m e rs, et le navire, app
u y é sur les coraux par son flanc de bâbord, ne souffre pas.
N ou s é longeons par le travers , dans le S . E ., u n e ancre à jet
dont nous raidissons l ’aussière avec beaucoup de peine : elle doit
nous servir à porter u ne ancre de bossoir dans cette direction.
Nous essayons de dépasser les mâts de hune , mais l’inclinaison
d u navire nous en empêche.
D ans cette p o s itio n , nous attendons la marée de la n u it et nous
nous arrangeons de notre mieu x p ou r prendre u n instant de
repos; m a is , à mesure que la marée p e rd , la pauvre Astrolabe
s’inc line sur bâbord, et à dix h eu r e s, la bande pétait te lle , que
l ’on craignit u n instant de chavirer. Le commandant fît apporter
des haches pou r abattre la mâture, et donna l’ordre de filer les
embarcations derrière. On y déposa la meilleure de nos montres
et les journaux d u bord. La bande augmentait d’u ne manière
effrayante ; on allait couper les rides des haubans d’artimon lorsque
la corvette s’arrêta. T ou s réu nis sur le côté de bâbord , nou s
suivions avec anxiété les progrès de l’eau ; nos y eu x , perçant 1 o b scurité,
interrogeaient le moindre mouvement du navire, lorsque
avec u n e jo ie ind ic ib le nous le vîmes se r e lev e r , bien lentement
d’abord , p u is , après quelques bru sque s secousses , il se releva
de p lu s de 20°. A m in u it, il était droit sur sa q u ille , talonnant
sur le r é c if, mais flottant presque. Si nou s avions eu u n e ancre
bien élongée , en moins de dix minute s il eût été tout à fait à
flot ; mais désormais n ou s savions à q uoi nous en tenir sur l’état
des marées. Le navii’e d r o it, n ou s pûmes caler les mâts de h u n e ,
p u is chacun fut prendre u n repos bien nécessaire.
Au jou r , n ous vîmes , à notre grande j o i e , la Zélée à flot. On
lu i expédia de su ite le grand can o t, avec une corvée de vingt
hommes pou r l’aider à s’amarrer. Quant à n o u s , la marée n ous
avait portés d’une longueur de navire dans le N . 0 . J u sq u ’à six
h eures d u matin, la corvette reste droite ; elle s ’in c lin e alors de
n ou veau sur bâbord; mais, quoique très-forte, la bande est tolér
a b le , et nous pouvons placer des béq u ille s. A mer é ta le , nous
allons mouiller la maîtresse ancre droit par le travers. A trais