dans la Tasmanie, où il a quitté son épée pour la
charrue. Ses connaissances, sa parfaite intégrité l’ont
lait nommer chief police magistrate du district de
Richmond. Il y a acquis d’excellentes terres qui sont
en plein rapport, et il vit tranquillement sans regretter
en quoi que ce soit le pont de son navire. Il
avait encore quelques affaires à expédier; j’en profitai
pour assister à son audience ; l’accusé était conduit
à la barre par un constable ; on lui lisait un
passage de la Bible, puis on faisait jurer les témoins
sur les Évangiles; après quoi on lui posait laconique-
mentcelte question : Guilty or not guilty; bien peu répondaient
gmlty ; c’étaient généralement des convicts
accusés par leurs maîtres de paresse ou d’ivrognerie.
Les peines vai-iaient de quinze h cinquante coups de
fouet ou de quelques jours de cachot solitaire au pain
et cà Teau {solitary confinement).
La séance terminée, M. Breton me conduisit à sa
demeure, où le plus confortable dîner nous attendait.
Mon hôte était im amateur éclairé et enthousiaste
d’histoire naturelle ; on n’arrivait à sa porte qu’après
a\oir traversé une haie de pétrifications de toutes
dimensions; au dedans, un mpnstrueux crocodile,
nouveau dragon des Hespérides, présentait sa large
gueule; des singes grimaçaient de tous côtés, et
des hérons, pingouins, kanguroos, serpents, garnissaient
un assez long vestibule qu’il fallait traverser
pour arriver aux appartements. La maison de
M. Breton est charmante, et tenue avec une propreté
toute maritime. Su rsa façade se développe un
joli parterre, et derrière s’étend un vaste jardin.
Le district de Richmond est un des mieux situés et
des plus pittoresques de la colonie ; ce sont de magnifiques
plaines admirablement cultivées et entourées
de toute part de montagnes dont les coteaux
en pente douce sont garnis de bois et de la plus riante
verdure. Le sol est excellent; les céréales y atteignent
une grande hauteur; M. Breton m’a assuré y avoir
mesuré des avoines de plus de 6 pieds. Tous les fruits
de l’Europe y croissent avec vigueur; le raisin seul
n ’a jamais pu y être acclimaté.
Le lendemain, le temps était magnifique; le soleil,
qui venait de se lever, dorait au loin toutes ces riches
moissons. L’herbe, humide encore de la rosée de la
nuit, était partout émaillée de fleurs, et Tair doux et
frais m’arrivait embaumé des parfums de la montagne.
C’était une délicieuse matinée de printemps.
Les travailleurs se rendaient en foule aux champs.
Déjà la cognée des bûchei'ons et le fouet des charretiers
retentissaient de toutes parts ; les troupeaux gagnaient
la prairie ; les chiens des bergers, galoppant
sur leurs flancs, hâtaient les paresseux, corrigeaient
les indociles.
Aux antipodes je retrouvais un des paysages si
animés de notre belle France; mais nous devions
visiter quelques propriétés des environs, et bientôt
nous fûmes à cheval, chevauchant gaiement à travers
les prairies, et savourant avec délices les suaves émanations
dont Tair était imprégné.
Après avoir quitté la plaine, nous entrâmes dans