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jusqu’à present, elle compte au plus, cent à cent cinquante
maisons, dont les plus apparentes sont le
presbytère, l’église, et une assez bonne auberge. Il
est impossible de se faire une idée du nombre de cabarets
que l’on rencontre dans ce pays. Inns, taps,
grogshops, s’oiïrent à l’envi aux gosiers altérés. Les
liquides de toute espèce qui s’y consomment montent
à un chiffre effrayant. Voici une anecdote à
l’appui.
Six emancipists réunis à cet effet, bu ren t, sans
désemparer, sept bouteilles de sherry et quarante-
deux bouteilles de p o r te r , après quoi, ajoute-t-on,
ils s’en furent presque sobres {almost sober).
L’arrondissement de Sorrel f bien qu’en partie sablonneux
et entrecoupé de dunes de sable, ne manque
cependant pas de bonnes terres, mais l’eau y
est rare.
A quelques milles de Sorrel se trouve un vaste lac
salin [pett-water) qni va déverser ses eaux dans Storm-
Bay. Ses eaux sont profondes et offriraient un bon
mouillage à des bâtiments de fort tonnage, si l ’entrée
n’était barrée par un banc qui n’en permet l’accès
qu’à de faibles embarcations.
J’aurais voulu pouvoir me rendre aux pressantes
sollicitations de M. Breton, qui voulait me garder plus
longtemps, mais j’attendais les corvettes, et avant de
quitter la terre de Diemen, je désirais beaucoup visiter
rétablissement de Port-Arthur.
Mon excellent hôte voulut m’accompagner une
partie du chemin. En sortant des plaines de Richmond,
nous prîmes la nouvelle route ; elle est percée
sur des montagnes rocailleuses et boisées dont
elle contourne le flanc, et ses pentes sont si douces,
qu’un cheval attelé peut trotter sur presque tout
son parcours. Elle n’est pas entièrement finie. A deux
lieues à peu près de Richmond nous quittâmes la
route et prîmes à travers champs; après avoir chevauché
pendant quelque temps, nous aperçûmes
une jolie habitation ; pour y arriver, nous traversâmes
de belles prairies couvertes de bestiaux. La maison
était celle d’un major de l’armée qui, lui aussi, avait
pendu son épée au croc pour se faire gentleman
farmer. Après une visite d’une demi-heure, nous
fûmes rejoindre la grande roule à un mille plus bas.
Pendant plus de deux lieues, nous ne rencontrâmes
pas une maison. Le paysage était sévère et grandiose;
partout une forêt épaisse et d’énormes roches
de basalte ; à chaque pas nos chevaux foulaient
des pétrifications, et de loin en loin apparaissaient
quelques misérables huttes abandonnées, qui sans
doute avaient servi d’abris aux convicts qui tiavail-
laient à la route. C’est sans contredit le plus bel
échantillon des travaux que l’on ail exécutés dans la
colonie. La route est remarquablement pittoresque et
bien tracée; elle a dû offrir de grandes difficultés.
Presque partout elle est taillée dans le roc lui-même;
aussi l’appelle-t-on le Simplon de la Tasmanie. Elle
n’arrivait encore (enl840) qu’à cinq milles d’Hobart-
Town; elle ira aboutir à New-Town. Nous nous arrêtâmes
pour dîner chez un propriétaire dont l’habita-
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