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eût mille fois mieux valu, pour nous, de rester ensevelis
dans les glaces éternelles du pôle Sud , où, du moins,
nous aurions pu espérer de mériter l’intérêt qui s’attache
toujours aux nobles et grandes entreprises, plutôt
que de voir tous nos efforts anéantis par une vulgaire
catastrophe, par un naufrage ordinaire, sur des
récifs madréporiques que déjà nous avions bravés tant
de fois au milieu des archipels de TOcéanie!!...Quelques
mois encore, et nous devions revoir la France ;
chacun de nous avait hâte de rentrer dans sa patrie, au
milieu des sien s, en s’applaudissant d’avoir contribué
à une campagne aussi glorieuse que fructueuse ; et
maintenant, si nous parvenions à conserver notre existence,
il nous faudrait abandonner tous nos travaux,
toutes nos collections , pour entreprendre, sur de
mauvaises embarcations, une navigation longue et
dangereuse, vers quelque point où nous pussions espérer
des secours.
Ce fut sous l’influence de ces pensées que je me
rendis à bord de la Zélée. Comme m o i, le capitaine
Jacquinot ne conservait plus que fort peu d’espérance
de sortir de celte cruelle position. 11 fallait, le
plus tôt possible, décharger les navires afin de les alléger;
cette opérationnécessitaitde grands travaux; nos
équipages étaient faibles, et le climat de ces contrées
nous faisait redouter, avec raison, qu’ils ne pussent
supporter les fatigues qui les attendaient. En cherchant
à sauver les deux bâtiments, nous courions la chance
de les perdre tous les deux, h'Astrolabe paraissant
se trouver dans les conditions les plus favorables
poür tenter de la délivrer, il fut résolu que, le
lendemain matin, tous les marins de la Zétée, abandonnant
leur navire, seraient dirigés sur Y Astrolabe,
»pour commencer immédiatement son déchargement.
Toutes les collections d’histoire naturelle, tousles
matériaux hydrographiques, les vivres et les objets
les plus précieux de l’expédition devaient être tout
d ’a b o rd débarqués et transportés sur l’île Toud; un
camp y serait établi, avec une garde suffisante
pour le mettre à Fabri des attaques des indigènes;
nos malades y seraient transportés, et enfin tous les
hommes valides des deux bâtiments seraient employés
à activer l’opération.
Les naturels de Tîle Toud n’avaient pas lardé à
venir nous visiter. En suivant le récif, ils avaient pu
arriver presque à pied sec au point où Y Astrolabe était
échouée. Au moyen d’une corde qu’on leur tendit
du b o rd , ils atteignirent bientôt sa préceinte. Ces
hommes ressemblaient parfaitement à ceux que déjà
plusieurs officiers avaient vus sur l’île Arroub ; ils
ne montrèrent aucune crainte en venant à bord.
Ils regardaient avec étonnement nos deux navires
couchés sur le côté sans bien comprendre le danger
dont ils étaient menacés. L’un d’eux nous dit, avec une
naïveté qui nous fit r ir e , que nos bâtiments se trouvaient
dans une position fâcheuse là où ils étaient,
et qu’il vaudrait beaucoup mieux les conduire dans
le canal, où ils seraient infiniment mieux.
Ces s a u v a g e s savaient quelques mots d’anglais, ce
qui me fit supposer qu’ils avaient de fréquentes com ■
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