Icon. Camer. Epit. 45. 46. — Dalech. Hift. 1.
Pao* 55' ^'on-
Le Mélèze.
C'eft un arbre droit, fort grand, qui s'élève
de cinquante à foixante pieds & plus. Ses branches
font fouples, longues, un peu diffufes , inclinées ;
les rameaux grêles, pendans, revêtus d'une écorce
lifle , brune ou Cendrée , garnis de feuilles en apparence
fafciculées & divergentes avant le déve- :
loppement des jeunes rameaux, éparfes, nom-
breufes, très-étroites, très-glabres, d'un vert-
rendre , un peu aiguës, prefque point anguleuses,
longues d'un à deux pouces, beaucoup plus Couples
que celles des autres efpèces, caduques pendant
l'hiver.
Ses fleurs font difpofées en chatons courts , :
épars fur les rameaux , prefque fe filles ou.fuppor-
tées par des pédoncules courts, recourbés, prefque
ligneux , les .uns mâles , les autres femelles.
Ceux-ci portent des cônes a fiez petits , courts ,
ovales, obtus, longs d'environ un pouce, com-
pofés d’écailles imbriquées , onguiculées * élargies
, coriaces, ftriées & un peu pubefçentes extérieurement
, dont l'extrémité eft d’ un pourpre
clair dans les unes, blanchâtre ou d'un blanc-cendré
dans d'autres , d'un gris un peu fauve quand
elles vieilliflent. Les femences font ordinairement
au nombre de deux, renfermées dans deux ouvertures
à la bafe des écailles intérieures, furmon-
tées de membranes rapprochées & mucronées à
l'extrémité de la ligne qui les unit avant la maturité
des fruits.
Cet arbre croît fur les montagnes élevées dans
les départemens méridionaux de la France , en
Suifie dans les Alpes , fur l'Apennin en Italie, en
Allemagne, &c. T) (F r, v. )
Le bois du mélèze eft blanc ou rougeâtre, couleurs
qui paroiflent être relatives à l'âge de l’ arbre :
on eftime davantage celui qui tire fur la couleur
rouge. Les menuifiers le préfèrent au pin & au
fa pin 5 ils en font de bonnes charpentes , & dans
l i conftruftion des petits bâtimens de mer on
l'emploie pour les dernières alonges & pour les
bordages des ponts. Dans une lettre écrite de Pé-
tersbourg par M. Dennifon à la Société des Tran-
faétions philofophiques de Londres , ce favant
l'informé, que dans cette ville le bois de mélèze
eft approprié entièrement à la conftruCtion des
vaifleaux. Dans le port d'Archangel on en conC-
truit les grands vaifleaux de guerre , ainfi qu'à
Venife. On n'y trouve d’autre inconvénient que
celui de la légèreté de fon bois en certaines oc-
cafîons, Il eft certainement bien plus léger que le
chêne 3 mais par rapport aux bas-fonds dont la mer
Adriatique eft parfemée , les Vénitiens fe trouvent
obligés de fe fervir de bois léger. Ce bois , félon
M> Rit chie, ancien confui à Venife, réfifte aux intempéries
de l’air mieux qu'aucun autre, 0.
l’emploie de préférence pour la conftruêtion d-.s
portes extérieures , des palilfades , des treillis
6c de tout autre ouvrage conftamfnent expofé {
l'air. Il ne dure pas moins, employé dans l’inté- I
rieur des maifons. Partout où l’on cherche la force I
& la durée , ce bois obtient la préférence. Cet I
arbre d’ailleurs , qui elt aufii d'agrément, réufllt
dans une grande variété de terrains, & même I
dans les exportions les moins favorables 3 mais il I
fe plaît de préférence dans les pays froids, furie |
revers des montagnes, expofé,.au nord.
Le mélèze fournit une véritable manne, à la- I
quelle on a donné le nom de manne de Briançon ' 1
& qu'on emploie aux mêmes ufages. que celle I
qu’on ramafle en Sicile furies feuilles d'un frêne j I
mais fes propriétés font beaucoup plus foibles, I
8c fon ufige bien moins général. Elle fe montre I
fur cet arbre lorfqu'il eft dans la plus forte fève, I
fous la forme de petits grains blancs, un pea I
alongés , de la grofleur des femences de la corian- I
dre 3 elle eft douce, agréable, d'une faveur fu- I
crée, un peu réfineufe, médiocrement purgative: I
on n’en trouve que dans les années chaudes & I
fèches î elle ne paroi: point quand la faifon eit I
pluvieufe. On a bien de la peine à la féparer des I
feuilles, où elle adhère fortement : fi on ne lara-1
mafl'e avant le foleil levant, l'aétion de fes rayons I
a bientôt difiipé tous ces grains. Les payfans vont I
Je matin abattre, à coups de hache , les branches I
de l’arbre , & les ayant mifes par morceaux, ils les I
gardent à l'ombre fous les arbres. Le fu c , encore I
trop mou pour être enlevé , s epiifiit & fe durcit I
dans l’ intervalle de vingt-quatre heures ; alors on I
le ramafle & on l'expo fe au folêil pour le fécher I
entièrement.
Les mélèzes fourniflent, en a fiez grande abon* I
dance, une réflne connue fous le nom de réfine it I
méle^e ou térébenthine, de Venife, que l'on recueille
particuliérement dans le Briançonnoîs 8c fe Valois. I
« Dans ces pays, dit M. Duhamel, où les mêlez s
font fl abondans 3 qu’on n'y trouve prefque pas
d’autres arbres, on apperçoit, pendant la belle I
faifon, une prodigieuse.quantité de baquets aux I
pieds de ces arbres, où tombe la réfine de mélèze, I
qui coule par de petites gouttières de bois ajuf-
tées à des trous de tarrière qu’on a faits aux troncs I
des mélèzes, environ à deux pieds au deflus du
niveau de la terre, & ces petits baquets fe rem*
pliflent en fort peu de tems. Les arbres trop jeunes
ou trop vieux ne donnent que peu de térébenthine
5 aufii ne s'attache-t-on qu'à ceux qui font
dans leur grande vigueur.
w Quoiqu'il fuinte quelques gouttes de térébenthine
de l'écorce, dans la faifon où la fève elt
; la plus abondante , il paroït que ce fuc eft repan*
du dans le corps ligneux, puifqu'en coupant pat
tronçons l’arbre le plus fain, on trouve dans
* Tintérieut
l’intérieur du bois, à cinq ou fix pouces du coeur,
& à huit ou dix pouces de l'écorce, des dépôts de
cette réfine liquide qui ont quelquefois un pouce
d’épaiffeur, trois ou quatre pouces de largeur &
autant de hauteur. Dans un tronc de quarante
pieds de longueur, on trouve quelquefois jufqu’à
jjx de Ces principaux réfervoirs, & quantité de
petits : fi on les entame avec la coignée , la térébenthine
en coule abondamment, & les feieurs-
de-long redoutent beaucoup ces réfervoirs, qui
empêchent la feie de couler.
» Les mélèzes jeunes & vi goureux n’on t prefque
jamais les réfervoirs dont nous venons de parler :
ces dépôts ne fe forment que dans le tronc des
gros arbres qui commencent à vieillir 5 ils font fi-
tués à fix ou huit pieds de terre, entre les couches
ligneufes, ordinairement plus près de l ’axe de
l’arbre, que de l'écorce. Plus les cavités font voile
s du centre, plus elles font grandes & rem-
[ plies de térébenthine.
s » Une preuve encore que ce bois eft extrêmement
gras & réfineux, c'eft que dans le pays on
bâtit des maifons ou cabanes en pofant de plat,
les unes fur les autres, des pièces de bois car-
[ rées, qui ont un pied de face. Dans les encoignures
& vis-à-vis les refends, les poutres font entaillées
à mi-bois pour former les-liaifons.
I «Ces maifons font blanches quand elles font nouvellement
bâties 3 mais au bout de deux ou trois
ans elles deviennent noires comme du charbon ,
& toutes les jointures font fermées par la réfine
que la chaleur du foleil a attirée hors des pores du
[bois. Cette réfine., qui durcit à l'air , forme un
vernis luifant 8c poli qui eft fort propre ; ce ver-
nis rend ces maifons impénétrables à l'eau & au
vent, mais aufii très-combuftibies : c ’eft ce qui a
plufieurs fois fait ordonner, par des réglemens de
[police, qu'elles feroient bâties à une certaine dif-
[ tance les unes des autres.
»Aux environs de Briançon, où il ne paroït pas
qu'on fa fie de commerce de la térébenthine que
produit le mélèze, les payfans qui en ramafîent pour
[leur iifage, font avec la coignée, au pied de ces
| arbres, des entailles de fix pouces de profondeur,
& ils ramaffent la térébenthine qui coule
fur le plan horizontal de, la plaie.
» Mais dans la vallée de Saint-Martin, près de
Lucerne, pays dé Vaudois, les payfans fe fervent
de tarières qui ont jufqu'à un pouce de diamètre,
& ils percent les mélèzes vigoureux en différons
endroits, commençant à trois ou quatre pieds de
terre, & remontant jufqu'à dix ou douze. Ils
„choififient l'expofition du midi les noeuds des
branches rompues où ils voient fuinter de la té rébenthine
, & ils ont foin que le trou foit un peu
pente & qu'il ne pénètre pas jufqu’au centre
de l’arbre.
Botanique. Tomé VI.
S A P 5 i l
s» A ce s trous ils ajuftent des gouttières faites
de bois de mélèze, qui ont un pouce & demi de
grofleur, fur quinze à- vingt de longueur : une des
extrémités de ces gouttières fe termine en forme
de cheville, dont le centre eft percé d’un trou
qui peut avoir fix à huit lignes ae diamètre : on
enfonce cette extrémité dans les trous faits aux
mélèzes, & la térébenthine coule par l'ouverture
du bout de cette gouttière, d’où elle fe répand
dans des auges de bois préparées pour la recevoir.
>3 Les foirs & les matins, depuis la fin du mois
de floréal jufqu'en vendémiaire, chaque payfan
vifite fes auges, & ramafle la térébenthine dans
des féaux ou baquets de bois pour la tranfporter
à la maifon.
»3 Ils bouchent avec des chevilles les trous qui
n’ont point donné de liqueurs & ceux qui ceflent
d'en fournir, & ils ne les rouvrent que douze ou
quinze jours après 3 alors ces trous fourniflent ordinairement
beaucoup plus de réfine que les autres
, 8c ils en donnent toujours de plus en plus
jufqu’à ce que le froid reflerre le bois & arrête
tout écoulement.
33Un mélèze bien vigoureux peut fournir, tous
les ans, fept à huit livres de térébenthine pendant
quarante ou cinquante ans. S’il s'est mêle
quelques feuilles ou autres immondices dans les
auges, on pafle la térébenthine dans des tamis de
crin fort grofiîers, 8c l'on en remplit des outres
qu'on porte à Briançon ou à Lyon pour les vendre
aux marchands.
33Cette térébenthine refte toujours coulante, &
de la confiftance d'un firop bien cuit. La réfine
ou la térébenthine de mélèze qui coule dans les
baquets, fe met quelquefois dans de grandes cu-
curbites de cuivre : on y ajoute de l’eau, 8c par
la diftillation on retire avec l'eau une huile ef-
fentielle, qui n’eft pas cependant aufii eftimée
que celle qu’on retire de la térébenthine du fa-
pin commun, quoiqu’on l’emploie aux mêmes'
ufages.
33 On trouve au fond de la cucurbite , après la
diftillation, une réfine épaifle ou une efpèce de
colophane grade qu’on emploie comme celle du
pin, 8c avec laquelle on peut faire du Irai-gras,
dont nous avons parlé à l’article Pin .
33 Les mélèzes qui ont fourni beaucoup de refîne
par les moyens que nous venons de détailler, ne
ne font pas eftimés pour les conftrudions : on ne
les emploie guère qu’ à brûler, ou pour faire du
charbon qui eft plus léger 8c moins bon que celui
fait avec les arbres qui n’ ont point fourni de ré*-
fine.
33 Ordinairement on n’abat, pour les ouvragés
de charpente 8c pour les feier en planches, que les
mélèzes jeunes & vigoureux, parce que, outre
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