2.88 V O Y A G~E A U L ÉVANTj t
lut même,àcaufe de la quantité de neige dont
tout le pais étoit couvert, mettre pied à terré
pour aller jufqu’au lieu où font les Cedres. L a
neige y eft au m atin , avant que le Soleiffoit
monté, prefque aufli dure que de la glace, &
elle rend le chemin très-rude & incommode;
Nous allâmes nous repofer un p eu , &c manger
un morceau pour reprendre des forces; màisle
froid extrême qu’if faifoit ne nous permit pas
de nous arrêter long-tems, &: à peine nous
donna-t-il le loifîr de m anger, outre que nous
fumes encore obligez do retournerc au plus
vite fur nos p a s , afin de repaller les neiges
avant que là chaleur du Soleil les eût fondues;
parce que quand elles viennent à fondre on
court de grands rifques, 8c il eft fouvent arrivé
que la trop grande lenteur des curieux
leur a coûté la vie , s’itantsmoyez dans fes
torrents qui tombent de toutes parts . Le coup
d’oeil eft effrayant y car on ne voit de tous cotez
que le Ciel 8c des montagnes couvertes
de neig e, qui y eft quelquefois en fi grande
abondance, qu’il y a plufieurs Cedres qui en
font prefque tout couverts, &c ils y feroieht
même tous enfeyelis fi lè vent ne l’empêchoit.
Je cueillis quelques fru its de Cedre qui
étoient au haut des arbres, & je rompis àulfi
quelques petites branches afin d’é-jtï confier ver
les fuëilles, mais elle^s tombèrent peu de ternis
en Egÿpt e 7 Syrie , & c . £$?
laprèsi&-fie perdirent tout-à-fait. Elles reffem-
bîent à celles du Romarin.
Quoy quc c es Arbre s fipient prefique tout
cachez dans la neige j ils ne lai fient pas d’être
toujours vérds jLe^petitesfuëilles qui fionc
aux branches montent en -h-aut. 8c le fruit pend
en bas, étan t en cela oppofiez l’un â, l’autre;
Ils refifemblent fort bien à u ne pomme de Pin.
Les- deux deffeins que < j ’en donne font une
preuve de ce que je vienfc de dire. Je ne.me
con t en t ay pasd’én p re ndré d uffrui t y mais y a-
batis âuflà.un jeùne-arbre g comme il y en a
plufieurs là , afin d’en, emporter du bois. On
croît que c ’eft de ces arbrus qu’on prit le bols
dont fut bâtide Temple:de Salomon, i. Rois
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G’eft une chofie qui fie dit ordinairement,
8c qui eft comme paffée en proverbe , qu’on
ne fauroit compter les Cedres du Liban ; e’eft-
à-dire que quand apres les avoir comptez une
fois & en avoir trouvé un certain nombre',
l’o n veut les co mpter un e fecon de fois, ort rie
trouve p-1 us le même nombre qu’on avoit trouvé
la première, ôc je l’ay en effet ainfi éproupie
moy-même. Car en comptant une fois les
plus -remarquables, j ’en trouvay trente-cinq
la.premiere fois, trente-fix la fécondé. Mais
je m’attribue cette différence qu’à lahâte avec
laquelle je les comptay, &c peut-être aufli à
' O o ce