bac. Ils reçurent mes présens avec satisfaction
, et sur-le-champ chacun se mit en devo
ir d’en faire usage.
Mais ce qui fixoit davantage leur imagination,
et qu’ils m’auraient escamoté de bon
coeur, c’étoit du fer. Ils le dévoraient des
y eu x , le vantoient excessivement, et sem-
bloientTestimer par-dessus tout. Leurs regards
étoient tombés sur des haches , des
pioches, de grasses tarières, des outils de
toute espèce qui se trouvoient à l ’arrière de
mes chariots, ils les convoitoient avec une
sorte d’impatience; il n’y avoit, pour ainsi
dire, qu’à mettre la main dessus. J’étois si
bien fait déjà à la manière de traiter avec
les sauvages, et je les eraignois si peu, puisqu’il
faut le dire , même quand je n’aurais
point été si puissamment armé, que je leur
aurais volontiers abandonné ces objets ;
mais avec tout l ’attirail que je traînois à ma
suite , ils m’étoient devenus d’un usage tellement
indispensable 5 qn’il m’eût été impossible
d’en faire si généreusement le sacrifice.
Afin de leur ôter tous désirs, où
du moins d’en diminuer l’ardeur, puisqu’il
n’étoit plus temps de leur dérober la con-
noissance de ces outils précieux, j ’ordonnai
E N A F R I Q U E . 1^5
qu’on les cachât avec soin. D ’après fout ce
que j’avois appris des embarras de ces sauvages,
relativement à leurs armes, il étoit
en effet très-dangereux d’exciter plus longtemps
leur envie; elle pouvoit leur suggérer
des intentions nuisibles à mon repos, et
le moyen tout simple de s’en emparer par la
ruse, s’ils ne le pouvoient par la force. Tel
est, en général, le caractère du vrai sauvage
, et telle est la nature : nul n’a le droit
de retenir ce qui appartient à tous, et la
moindre inégalité serait la source des plus
grands malheurs. Quiconque a lu lé V~oÿage
du capitaine CooJc dans les mers du Sud, a
dû remarquer que ce marin et toutes les personnes
de son équipage, ne mettoient jamais
pied à terre sans faire quelques pertes ; les
insulaires venoient les voler jusque sur leur
vaisseau ; on enlevoit aux chasseurs leurs
armes, aux matelots leurs habillemens, etc.
Le naturaliste Forster raconte du docteur
Sparmann, qu’après qu’on lui eut volé son
épée, il perdit encore dans la même course
les deux tiers de son habit; les Caffres et les
Hottentots ne sont point encore parvenus à
ce degré d’adresse, mais ils né sont pas sur
ce point exempts de tout reproche. Afin de