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nombreuse peut occuper souvent une lieue
de terrera ; ce qu’on ne voit jamais chez les
Hottentots ni les JGonaquois. Les Caffres,
outre l ’espèce de millet qu’ils cultivent, récoltent
encore le tabac, le chanvre, dont ils
fument les feuilles, qu’ils nomment dagha;
ils plantent aussi des melons d’eau, des citrouilles
, et font grand usage du palmier,
nommé pain des Hottentots, qui est très-
abondant dans leur pays, et dont ils font,
avec la moelle qu’ils laissent aigrir, une pâte
qu’ils cuisent dans un four pratiqué sous
terre. Ils sont encore dans l ’usage de faire une
boisson très--enivrante, avec leur millet
qu’ils laissent fermenter avec de l’eau et du
m ie l, et dont ils font grand usage.
> L ’éloignement des. différentes hordes en-
tr ’elles exigeant qu’on leur donne des .chefs,
c’est le roi qui les nomme. Lorsqu’il a à leur
communiquer des avis intéressans pour la
nation, il les fait venir et leur donne ses
ordres, que je devrois appeler ses nouvelles :
les différens chefs, porteurs de ces nouvelle
s , retournent chez eux pour en faire part
aux leurs.
L ’arme du Caffre, la simple lance ou sa-
gaye qu’il façonne lui-même, annonce en
lui un caractère intrépide et grand - il méprise
et regarde comme indignes de son courage
les flèches empoisonnées si fort en usage
chez ses voisins ; il cherche touj ours son ennemi
face à face : il ne peut lancer sa sagàye
qu’il ne soit a découvert. Le Hottentot, au
contraire, caché sous une roche ou derrière
un buisson, envoie la mort sans s’exposer à
la recevoir • l’unbst le tigre perfide qui fond
traîtreusement sur sa proie ; l’autre est le
lion généreux qui ^’annonce, se montre, attaque
et périt, s’il n’est pas vainqueur.L’iné-
galité des armes n’est point capable de le
faire balancer -, son courage et son coeur sont
tout pour lui : en guerre, à la vérité, il porte
un bouclier d’environ trois pieds de hauteur
, fait de peau de buffle ou de boeuf, prise
dans la partie la plus épâisse ; cela lui suffit
pour le défendre des flèches et même des sa-
gayes; mais cette arme défensive ne le met
pas à l ’abri de la balle. Le Caffre manie encore^
avec beaucoup d’adresse, une arme non
moins terrible que la sagaye, lorsqu’il a
joint son ennemi; c’est une massue de deux
pieds et demi de hauteur, faite d’un seul morceau
de bois noueux ou racine, de trois à quatre
pouces de diamètre dans sa plus grande