tie. Combien de fois avec quelques bouts de
tabac, mieux encore quelques verres de liqueur
qui ranimoient et faisoient sourire
ces pauvres gens, n’ai-je pas eu la, satisfaction
de voir couler les larmes de la recon-
noissance ? et lorsque me séparant d’eux et
reprenant ma route, j’arrivois le jour même
ou le lendemain sur la place qu’ils avoient
abandonnée, j’avois beau examiner ces lieux
et fdreter dans tous les environs, je ne trou-
vois nulle trace de l’insensibilité dont on les
accuse; toutes les huttes étoient enlevées,
les effets, les animaux domestiques, tout
avoit suivi.
Les enfans, ou à leur défaut les plus proches
parens d’un mort, s’emparent de ce
qu’il laisse ; mais la qualité de ce chef n’est
point héréditaire. I l est toujours nommé par
la horde; son pouvoir est bien limité. Maître
de faire le bien qu’il v eu t, il ne l’est en
aucun cas de faire le mal : il ne porte aucune
marque extérieure de distinction ; il n’est
pas plus privilégié que les autres, si l ’on excepte
toutefois l ’usage d’aller à son tour garder
les bestiaux qui sont en campagne. Dans
les conseils son avis prévaut, s’il est jugé
bon ; autrement on n’y a nul égard. Quand
il s’agit d’aller au combat, on ne connoît ni
grade ni divisions, ni généraux ni capitai—
lies ; tous sont soldats ou colonels. Chacun
attaque ou se défend à sa guise; les plus hardis
marchent à la tête ; et lorsque la vic toire
se déclare, on n’accorde pas à un seul
homme l ’honneur d’une action que le courage
de tous a fait réussir, c’est la nation
entière qui triomphe.
De toutes les nations que j’ai vues jus-
q u ic i, la Gonaquoise est la seule qu’on
puisse regarder comme libre ; bientôt peut-
être ces peuples seront obligés de s’éloigner
ou de recevoir les loix du gouvernement.
Toutes les terres de l ’est étant généralement
bonnes, les colonies cherchent
à s’étendre de ce côté le plus qu’elles peuvent;
leur avarice y réussira sans doute un
jour. Malheur alors à ces peuplades fortunées
et tranquilles ! les invasions et les massacres
détruiront jusqu’aux traces de la
liberté. C’est ainsi qu’ont été traitées toutes
ces hordes dont parlent les auteurs anciens,
et qui par démembremens avilis et fcddes’
sont tombées dans la dépendance absolue des
Hollandais. L ’existence des Hottentots , leurs
noms et leur histoire passeront alors pour
a