
rencontré leurs troupeaux; une centaine de
bêtes à cornes et peut - être trois cènts à
laine, n’annonçoient pas une grande aisance
; aussi je trouvai ces misérables occupés
à faire sécher sur des nattes des sauterelles
auxquelles ils retranchoient les ailes
et les pattes : comme l’amas de ces provisions
tonchoit à la plus grande fermentation
, je fus contraint de prendre le dessus du
vent pour éviter les exhalaisons infectes
qui s’en échappoient par intervalles.
Il n’y avoit pas six mois que ces pauvres
Hottentots, à ce qu’ils me dirent, s’étoient
confinés dans cet endroit pour échapper aux
cruautés des colons. Ils venoient, sans lé
savoir, se livre r à des atrocités d’un autre
genre; car, outre les Bossismans dangereux
qui pouvoient à tous momens les découv
r ir , ils avoient encore à se défendre des
bêtes féroces, et particulièrement des chiens
sauvages qui dévastoient leurs troupeaux.
J e leur donnai quelques conseils pour leur
tranquillité et leur fis des présens. Je leur
proposai en outre l’échangé de quelques
moutons, qu’ils mé promirent de m’amener
le lendemain. Comme je me disposois à prendre
congé d’e u x , je fus obligé d’entrer dans
une de leurs huttes pour me mettre à l ’abri
dun orage affreux qui fondit sur nous
comme un trait, et qui dura trois grandes
heures; je n’In fus pas moins inondé; le
kraal entier faillit d’être emporté, des huttes
lurent ébranlées, les torrens charioient devant
nous des sâbles, des terres éboulées et
des arbres déracinés; le lien que j ’occupois.
était mieux abrité; je contemplois avec extase,
quoique noyé jusqu’aux genoux, les cascades
et les colonnes d’eau qui s’échappoient
a vec fracas du haut des montagnes,et s’entrechoquant
dans leur chute, gagnoient la terre
en mille gerbes variées et la couvraient de
vapeurs et d’éeume. Les bords de la rivière
Plate que j ’avois à deux pas, disparurent en
un moment à mes regards ; je donnai le temps
aux plus gros amas de s’écouler : inquiet
pour mon camp, je profitai du premier in tervalle
que nous laissa la pluie, et je partis
pour m’y rendre. J’avois eu beaucoup à souffr
ir dans cette hutte remplie de sacs de sauterelles
déjà séchées, mais qui n’en ren-:
doient pas moins une odeur fétide, insup-'
portable : la pluie continua par orage toute
la nuit. Le jour suivant les inondations grossirent,
et ces Hottentots ne purent joindre