je leur refusai nettement cet article, et leur
fis entendre qu’il m’étoit impossible d’acquiescer
à leur demande i attendu que je ne
"V oulois pas être accusé d’avoir fourni des
armes contre les colons ; que, Sans aucune
vue d’intérêt, mais pour le plaisir seul de
les obliger, je me serois dans toute autre
circonstance empressé de leur donner cette
marque d’amitié, mais qu’ils devoient sentir
que dans l ’état actuel des choses, j’avois les
bras liés par l’honneur ; qu’à l’exception du
fe r , tout ce que je possédois étoit de ce moment
à leur service, qu’avant leur départ
je leur en donnerois la preuve ; e t , pour
adoucir l ’amertume de mon refus, j’ajoutai
que voulant rester l ’ami de tout le monde,
et conserver à leur égard, ainsi qu’envers
les colons, l ’exacte neutralité dont j’avois
toujours fait profession, j ’étois prêt en toute
rencontre à faire la même réponse à leurs
ennemis, s’il arrivoit que manquant ou
d’armes ou de munitions, ils vinssent à leur
tour implorer mon assistance pour continuer
la guerre.
Quoique cette réponse et ces explications
fussent claires et précises, ces sauvages, qui
ne se rebutent pas pour un premier refus >
revinrent encore à la charge, et me renouvelèrent
plus d’une fois leurs instances ;
j’avois trop bien pris mon parti ; je fus intraitable
sur ce point; je connoissois trop
bien l’esprit exagérateur des colons, qui
n’auroient pas manqué de crier à la perfidie
pour la moindre bagatelle arrachée par l’im*
portünité, pour montrer de la condescendance
et de la foiblesse en cette circonstance
délicate; je ne doute pas même qu’ils n’eussent
saisi avec empressement cette occasion
de se venger du mépris que je leur avois
plus d’une fois témoigné; ils n’auroient plus
alors manqué de prétexte pour m’en faire
un crime ; quelque puissante que fut cette
politique prudente à leur égard, j’avois un
motif plus déterminant encore. Trop au-
dessus des atteintes deces bandits dangereux
et de leurs conspirations atroces, en refusant
aux sauvages des armes contre ces colons,
et à ceux-ci des ressources contre les
sauvages, j’empêchois que ces brigandages
affreux ne se perpétuassent, dans le cas où
les uns et les autres viendraient à s’épuiser ,
comme cela étoit plus d’une fois arrivé : je
ne pouvois donc les servir qu’en ne prenant
aucune part à leurs démêlés, et cette