
sité sous laquelle l ’Européen même ne seroit
pas exempt de plier?/
Je vais plus loin, et je ne crains pas de
tout dire. Les sauvages ne balancent pas à
employer ce même expédient contre la famine,
malheur non moins redoutable que
la petite-vérole et la guerre, quand ils en
sont attaqués ; dans ce cas, l’abandon de
quelques individus, que d’ailleurs on ne
pourroit sauver, devient un sacrifice nécessaire
au bien de tous ; ceux qui fuient ne
sont pas sûrs eux-mêmes d’échapper au fléau
général. Plus des trois quarts périssent dans
la route, au milieu des sables et des rochers,
brûlés par la soif, et consumés par la faim ;
le petit nombre qui su rv it, fait de longues
marches avant d’avoir trouvé quelques légères
ressources. -
Tels sont les trois motifs qui prêtent aux
Hottentots une barbarie à laquelle ils se
voyent contraints par une force plus invincible
que le devoir et l’amour. La nature ne
peut rien dans ces coeurs timides et simples;
mais, pour s’endormir un moment, elle n’en
est pas moins forte et moins grande, et les
calamités publiques pour des peuples qui
n’ont pas la première dès combinaisons de
nos arts, et nul moyen de les appaiser, si ce
n’est la plus prompte fuite, ne peuvent être
le creuset pour les éprouver ni la règle de
les juger.
On ne donnera pas, je l’espèré, pour un
quatrième exemple de leur barbarie, ces
émigrations indispensables auxquelles les
assujettit la différence des saisons. Une sécheresse
extraordinaire a tari les sources et les
lagunes qui les environnoient ; un soleil
dévorant a brûlé tous les pâturages ; une
épizootie se déclare dans les environs ; l’une
ou l ’autre de ces causes les force à changer
de demeure; mais cette translation nécessaire
se fait toujours tranquillement, sans
confusion, quoiqu’avec promptitude.On éloi-
gne d’abord les troupeaux; on place les vieillards
et les impotens sur des boeufs; 011 ne
laisse personne derrière soi; tous les effets
précieux sont en avant; et tous ensemble,
voyageant paisiblement, vont planter le piquet
et s’établir dans le premier endroit
qui convient à leur manière de v iv re ainsi
qu’à leurs besoins. J’ai souvent rencontré
des hordes qui avoient été obligées de s’expatrier
pour quelqu’un de ces motifs; les
vieillards, les malades, tout étoit de la par-
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