
appeler ainsi ce soin pressant d’écartcr loin
de nous, et même de détruire tout ce qui pa-
roît tendre à troubler notre repos et notre
sûreté.
Je n’avois pu dormir de toute la nuit; je
me levai à la pointe du jour; quel fut mon
étonnement quand j’apperçus Narina ! elle
avoit l’air plus embarrassé, plus honteux
que de coutume; ce fut alors seulement.,
comme je l’ai dit, qu’elle m’avoua qu’elle
étoit arrivqç dès la veille avec tosus les autres.
Je lui fis des reproches de s’être ainsi
cachée de moi; je la pressai de m’en dire la
raison ; malgré mes vives instances, je ne
pus obtenir une réponse positive ; son silence
là-dessus alla jusqu’à l’obstination;
enfin, comme si ehe eût craint d’avoir trop
élevé ses espérances, elle devint : plus timide
à mesure qu’elle devinoit les soupçons
que je semblois former sur son compte.
Cette réserve ingénue me la fit aimer davantage
: le café étoit prêt; je partageai mon
déjeûné avec elle.
Les danses et la joie continuèrent encore
toute cette journée ; mais, le lendemain, la
curiosité amena en détail toute la horde dans
mon camp. Les uns arri voient, d’autres par-
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i toient; on se croisoit de toutes parts sur les
I chemins : ce spectacle étoit pour moi le tableau
mouvant d’une fête de village. Je les
| reçus avec une égale cordialité. Je demandai
des nouvelles du pauvre malade; 011 m’en
donna qui me firent plaisir ; il ne cessoit,
me dit-on, de parler de moi avec les larmes
de la reconnaissance. I l étoit toujours souffrant
: mais quel changement dans s*a position
t quel soulagement ne rêcevoit-il pas
de la propreté qüe je lui aVois procurée ! I l
jouissoit du moins de la consolation de vo ir
ses camarades, et de s’entretenir avec eux*
pleins de confiance dans mes a v is , ils ne
eraignoient plus d’entrer dans sa hutte et de
l ’approcher. Leurs visites étoient Une distraction
qui répandoit sur ses plaies un
baume plus salutaire encore que les plantes;
et lui faisoit oublier son mal. Je doute fort
de sa régénération, après l ’état désespéré
où je l’ai v u ; mais, s’il étoit possible qu’il
se rétablit, je pense que ee remède moral
n’y aura pas peu contribué. Est-il un sort
pins cruel que de se voir ainsi délaissé par
ses amis et par ses proches, et relégué au
loin comme un cadavre abandonné dont la
f^ e fa it horreur ? Chacun me contoit tous