
cette nation , actuellement en guerre et
manquant de toute espèce de défense, et surtout
de fe r, se fût sur-le-champ déterminée
à commettre ces meurtres pour se procurer
les dépouilles de ces malheureux ; qu’il me
conseilloit de ne pas lasser plus long-temps
le reste de ma troupe, puisque, sans leurs
secours, nous nous verrions hors d’état
d’avancer ni de revenir.
Je ne sentis que trop toute la force de ce
raisonnement dicté par le plus v i f intérêt
pour ma personne, et la sûreté de mes effets
que j ’aurois été contraint de laisser à l’abandon,"
faute de bras et de secours. J’allois peut-
être me laisser entraîner, et renoncer à mon
engagement sacré de ne point quitter Koks-
K ra a l, l’unique rendez-vous où ces généreux
envoyés pussent rejoindre leur maître,
lorsque nous vîmes de loin un des quatre
gardiens qui surveilloient mes bestiaux,
accourir vers mon camp, effrayé et hors
d’haleine. I l m’apprit qu’on venoit d’apper-
cevoir, de l’autre côté de la riviè re , une
troupe considérable de Caffres qui se dispo-
soient à la traverser 5 cette nouvelle effraya
d’abord tout mon monde ; la consternation
se lisoit sur toutes les figures 5 mai seul,
toujours bercé de l’espoir chimérique de
revoir mes gens , ma première pensée se
tourna vers eux ; mais ce grand nombre
qu’on venoit de m’annoncer ne cadroit guèrq
avec ces présomptions flatteuses, et dé-
truisoit toute l’illusion. Je dépêchai d’abord
quatre fusiliers sous les ordres de Klaas,
pour aller chercher et faire rentrer tous mes
boeufs dans le camp ; je leur recommandai
d’examiner", après cela, sans se découvrir,
ces étrangers q u i, s’ils étoient en aussi grand
nombre qu’on vouloit me le persuader, dévoient
en -effet me devenir suspects ; de les
épier, et déjuger par leurs démarches quelle
pouvoit être leur intention. J’avois en outre
expressément recommandé à Klaas, dans le
cas où il reconnoîtroit mes envoyés, de me
le faire entendre aussi-tôt par une décharge
de ses fusiliers ; mais au contraire de ne se
pas montrer, si la troupe étoit de Caffres, de
se mettre en embuscade, et de me dépêcher
un de ses gens. Comme il partoit, arriva le
troupeau que ramenoient précipitamment
au logis les trois autres gardiens qui, comme
leurs camarades, avoient pris l’épouvante.
De mon côté, je passai en revue toutes
nos armes, et les fis charger. Mon inten