
sentis sans peine, et je fus enchanté qu’on
m’eut prévenu. C’étoit encore un de cea^i-
tès agréables qui prouve que l’imagination
dés poètes n’est pas toujours au-dessus de
la nature et de la vérité dans leurs descriptions.
L ’emplacement où nous venions de
passer la nuit n’étoit cependant pas le plus
favorable, quelques grosses roches dont nous
étions voisins le couvroient tro p , ainsi que
nous, et pouvoient faciliter à l ’ennemi les
moyens de nous surprendre ; en conséquence
nous conduisîmes nos chariots et
nos bagages dans le milieu d’une petite prairie
, à laquelle le cours sinueux de la rivière
donnoit la forme d’une presqu’île, et c’est-
là qu’on fixa les tentes.
Nous venions de faire une marche de
quatre-vingts lieues, depuis l ’habitation des
deux frères nègres dont j ’ai parlé. On peut
difficilement se faire une idée de ce que nous
avions eu à souffrir dans cette traversée. De
quels secours ne nous avoient pas été les
moutons que j’avois échangés avec les Hottentots
de Sneuw-Bergen ? Enfin depuis ce
moment, si on en excepte l ’habitation de
K-cveec- P^aley et le Gamka,, nous n’avions
pas rencontré une lagune d’eau assez pure
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pour en faire usage sans précaution : tout
ce que nous en avions trouvé n’étoit potable
qu’après qu’on l’avoit fait bouillir, soit avec
du thé, soit avec du café, pour en détruire
ou déguiser au moins les qualités malfaisantes
et nauséabondes ; et pas une seule
pièce de gibier ne s’étoit offerte à nos yeux
dans toute cette traversée maudite.
L ’agrément du lieu et ï ’abondance de toutes
choses que nous procureroit le Buffles-Ri-
v ie r , n’étoient pas les seuls motifs qui m’ar-
rêtoient sur ses bords ; j ’y demeurai jusqu’au
i 4 du mois ; tout ce temps fut employé à la
réparation de mes équipages, dont le délabrement
m’inquiétoit depuis long-temps.
Les chariots avoient été tellement secoués,
le solejl les avoit tellement desséchés ,
qu’ils ne tenoient presque plus à rien ; les
roues sur-tout avoient besoin de restauration,
tous les rayons quittoient leurs moyeux :
pour donner pins de ressort au bois je les fis
mettre à l’eau ; elles y restèrent long-temps
avant que la hache y touchât : de mon côté
je fis la revue de ma collection, qui n’étoit
pas non plus sans désordre; ee n’étoit pas un
petit ouvrage ; j ’avois des oiseaux par-tout ,
mes boîtes à thé, à sucre, à café, tout en