ceux qui m’étoient réservés, on y introduisit
un peu de graisse après Ta voir enterré à
moitié dans des cendres brûlantes; et le remuant
avec une petite cuiller de bois, on
en fit ce qu’on appelle un oeuf brouillé, qui,
si ma mémoire est fidelle, pouyoît équivaloir
au moins à deux douzaines d’oeufs de
poules. Malgré la voracité de mon appétit,
et le goût exquis de ce nouveau mets, je ne
pus en manger que la moitié ; plusieurs de
mes gens , après avoir ôté le petit qu’ils
trou voient dans le leur, faisoient une omelette
du reste : je les examinois en les plaisantant
sur ces fins ragoûts d’oeufs couvés,
je ne pouvois croire qu’ils ne fussent pas
infects ; j en voulus goûter : sans la prévention
qui m’aveugloit, je ne leur auroîs pas
trouvé de différence avec le mien, et j’en
aurois m angé tout comme eux.
La soirée se passa fort gaîment; il n’en fiit
pas ainsi de la nuit; les aboiemens continuels
de nos chiens npus tinrent tous éveillés •
l’inquiétude que npus causoit leur vacarme
étoit d’autant plus forte, qu’aucun antre bruit
ne frappoit nos, oreilles. Ce n’étoit donc
aucune bête féroce ; elle se fût décelée tôt
pu tard ; nos soupçons s’arrêtèrent sur les
sauvages, et je craignis quelqu’embuscade.
Le jour parut enfin, mais il ne ramena pas,
la tranquillité ; nous furetâmes inutilement
de tous côtés ; nous ignorions si c’étoient ou
des Caffres, ou ces pirates de Bossismans ; le
terrein aride et les herbes sèches sur lesquels
nous étions campés, ne nous permettaient
pas de découvrir leurs traces; ainsi,
le 10, sans en avoir appris davantage, nous
partîmes en nous orientant toujours à l’est.
Cette direction nous conduisit dans un canton
où les mimosa se trouvèrent en si grande
abondance , si hauts et si touffus, qu’ils fo r -
moient une véritable forêt : après l ’avoir
traversée , nous rencontrâmes une petite
rivière que nous eûmes l’avantage de pouvoir
passer à gué ; nous suivîmes ses bords
pendant l’espace de deux grandes lieues,
après quoi nous campâmes, lorsque nous
vîmes que nous allions être surpris par la
nuit. /
J’avois été averti par notre guide, que,
trois lieues pins lo in , nous rencontrerions
enfin le kraal de ces Caffres qui m’a voient
sollicité de me rendre chez eux; je desirois
d’autant plus de le v o ir , qu’il étoit très-ancien
, très - curieux , que rarement cette