
ordre mes nouvelles collections et repassé
les plus anciennes; les balles que j ’avois commandées
et le plomb nécessaire à la chasse
étoient coulés; mes boeufs qui depuis longtemps
se reposoient, et n’avoient pas manqué
d’exceliens pâturages, étoient à pleine
peau et dans le meilleur état possible; en un
mot j étois prêt à partir : j ’accordai deux
jours de plus pour prendre congé de nos
bons voisins et nous divertir avec eux.
La nouvelle de ce départ définitif s’étoit
répandue; je vis bientôt arriver toute la
horde par pelotons, hommes et femmes.
Haabas étoit a leur té te; tout ce qui avoit pu
marcher le suivoit; ils accouroient pour
nous faire leurs adieux et recevoir les nôtres. '
Que j’étois aise qu’il s vinssent passer ces deux
derniers jours avec moi ! Le bon Haabas me
présenta quatre ou cinq Gonaquois d’une
autre horde que la sienne, et qui „ ayant ouï
parler de moi, avoient été députés pour m’engager
à aller visiter leur canton : il étoit trop
tard; mais j ’adoucis mon refus, en leur promettant
de me souvenir de leur tendre invitation
au premier voyage que j ’entrepren-
drois dans ces contrées.
Tant que durèrent ces quarante-huit heures,
on se liv ra , de part et d’autre, à tous
les excès de la folie et du plaisir. Mon eau-
de-vie ne fut pas épargnée non plus que
l’hydromel que Haabas* avoit fait exprès
préparer et apporter avec lui ; mais la belle
Narina et sa soeur, qui étoient de la partie,
ne prenoient aucune part à ces orgies, tout
innocentes qu’elles fussefit. La tristesse avoit
sur-tout voilé les traits de Narina; je la
consolai comme je pus, je l ’accablai de présens;
je lui en remis pour sa soeur, sa mère
et tous ses amis ; en un mo t, je me défis
dans Ge moment de presque tous mes bijoux ;
mais la parure n’étoit pas ce qui l’occupoit
en ce moment..... Je donnai à Haabas et à
tout son monde tout ce qu’il me fut possible
de leur donner, sans me faire de tort à moi-
même et me priver de toutes ressources pour
mon retour : le tabac fut sur-tout réparti
entre ces braves gens jusqu’à profusion ; je
n’en gardai que pour les miens et le temps
du retour dans l ’intérieur de la colonie, où
je serois à même d’en refaire une provision
jusqu’au Cap.
Ensuite je pris à part le vénérable Haabas,
et le pressai avec tendresse , même avec
émotion, de suivre les conseils que je lui