sous le nom de bois de cerf. Persuadé dans
le moment que ces con crétions dont j e n’avois
nulle idée étoient un présent particulier de
lanature, j e regardois les boeufs caffres comme
une variété de l ’espèce, mais je fus désabusé
par mes hôtps ; ils m’apprirent que ce n’étoit
qu’un chef-d’oeuvre de leur invention et de
.leur goût; qu’au moyen des procédés qui
leür étoient familiers, ils multiplioientnon-
seulement ces cornes, mais qu’ils leur don-
n oient encore toutes les form es que leur suggérait
leu r . imagination ; ils m’offrirent de
les travailler en ma présence, si j’étois curieux
de connoître leur méthode : elle me
paroissoit si neuve et si rare que j’en voulus
faire l ’apprentissage, etsufêis pendant plusieurs
jours un cours en règle sur cette
matière.
Us prennent, autant qu’il est possible,
l ’animal dans l’âge le plus tendre; dès que la
corne commence à se montrer, ils lui donnent
verticalement un petit trait de scie, ou
d’un autre outil qui la remplace, et la partagent
en deux ; cette double division qui est
encore tendre s’isole d’elle-même, de façon
qu’avec le temps l’animal porte quatre cornes
bien distinctes ; si l’on veut qu’il en ait
E N A F R I Q U E . i 85
six ou même plus, le trait de scie croisé plusieurs
fois en fournit autant qu’on en desire.
Mais s’agit-il. de forcer l’une de ces divisions,
ou la corne entière à former, par
exemple, un cercle parfait, on enlève alors
à côté de la pointe qu’il ne faut pas offen ser,
une partie légère de son épaisseur; cette amputation
renouvelée souvent et avec beaucoup
de patience conduit la corne à se courber
dans un sens contraire, et sa pointe venant
se joindre à la racifie, offre un cercle
parfaitement égal ; bien convaincu que l ’incision
détermine toujours une courbure plus
ou moins forte, on conçoit que, par ce moyen
simple, on peut avoir à l’infini toutes les va.-
riations que le caprice imagine.
Au surplus, il faut être né Caffre, avoir
son goût et sa patience, pour s’assujettir aux
détails minutieux, à l’attention soutenue
qu’exige cette opération, q u i, dans le p a y s ,
peut n’être'qu’inutile , mais qui seroit nuisible
en d’autres climats ; car la corne ainsi
défigurée deviendrait impuissante , tandis
que, conservée dans toute sa force et son
intégrité , elle en impose à l’ours et aux
loups affamés de l’Europe.
Pendant que je visitois chez ces Caffres