D ’après ce que j’ai dit des moeurs et de la
simplicité de cette nation, on peut facilement
se convaincre que sa langue est pauvre ; et
qu’avant l’arrivée des Européens, elle a dû
l ’être encore davantage: ces derniers ont
apporté des objets nouveaux auxquels il a
fallu donner des noms; ce qui fait en même
temps que le Hottentot des colonies a des
expressions que n’emploie point, et que n’en-
tendroit pas le Hottentot sauvage, <à qui la
plus grande partie de ces* objets est inconnue.
Quoi qu’il en soit, il y a toujours, dans
cette langue, beaucoup d’analogie entre la
chose et le mot, pour la désigner. Par exemple*
ils nomment le fusil a ka-booup ; de la
manière dont il faut le prononcer, le clappej-
ment et la première syllabe A ka imitent le
bruit de la détente du chien, et celui de l’ouverture
du bassinet : le reste du mot b o o ü p
désigne on ne peut mieux l ’explosion du
coup. , t
■ En général, la langue hottentote est trèâ-
cXpressive, et comme, en parlant, ces peuples
gesticulent toujours et qu’ils représentent
, pour ainsi dire, la pantomime de ce
qu’ils disent * il suffit d’avoir une connoissauce
superficielle de leur idiome , pour
comprendre aisément les choses les plus
importantes.
Trois semaines bien, révolues s’étûient
eïifin écoulées depuis le départ de mes envoyés;
je n’en étois pas à faire les premières
réflexions sur les causes qui pouvoient ainsi
prolonger leur absence; je concèntrois en
moi-même toutes mes inquiétudes* ne voulant
pas en donner à ceux qui m’entouroient;
c’eût été leur fournir des armes contre mes
projets ; 011 ne voyoit pas satis chagrin ma
résolution déterminée de pénétrer plus avant
dans la Caffrerie;je surprenois quelquefois
mes gens s’entretenant sur cet article et murmurant
plus ou moins contre leur maître.
Cependant ils m’étoient dans le fond toujours
attachés; et, dans leurs discours, j’étois le
principal objet de leurs agitations et de leurs
craintes ; ils ne balançoiùnt point à me regarder
comme un téméraire, qui, se souciant
apparemment fort peu de la v ie , vouloit
obstinément leur faire partager le plus triste
sort en les conduisant à la boucherie. Je
devois trop pressentir qu’ils étoient tous
d’accord pour me quitter, si je persistais
dans mes résolutions ; je ne les jugeois cm