tout utile à mes pauvres bestiaux vieillis
de misère et de fatigue ; je craignois à tout
moment d’être obligé d’abandonner mes effets
et mes chariots : ce dernier séjour servit
pourtant à les ranimer un peu. Le site étoit
à mille égards charmant et varié ; le voisinage
de l’habitation oifroit à mes boeufs aussi
bien qu’à mes gens d’abondans secours bien
propres à rétablir leurs forces, pour peu que
j ’eusse voulu rester plus long-temps dans
cet asyle, mais je sentois de plus en plus ]e
besoin de me rapprocher du Cap, et mon
imagination épuisée me rendoit à chaque
instant mon retour indispensable. I l fallut
donc encore une fois m’arracher à tant de
séductions et partir : la belle Dina ayant appris
de mes gens (car elle s’informoit de tout )
que les biscuits que j’avois fait faire chez les
nègres touchaient à leur l in , me pria d’en
accepter une petite provision qu’elle m’avoit
faite elle-même. Le premier mars, après avoir
fait mes remercîmens à tous mes aimables
hôtes, je les quittai ; il étoit cinq heures du
soir ; nous faisions route vers le Gamka ou
Leuw-Rivier ( Rivière des lio n s ), nous y
arrivâmes à neuf heures du soir, et l ’on, y
campa. Les lions autrefois étoient très-communs
sur cette rivière, parce que les gazelles
y étoient aussi très-abondantes; mais
depuis que les habitans s’en sont rapprochés,
les gazelles ont pris la fuite, et les lions, par
conséquent, sont devenus beaucoup plus rares.
J’avois ouï dire à Kwe e c-Valey qu’il rô-
doit dans les environs du lieu où je me trou-
vois trois troupes formidables de B ossis-
mans : la prudence m’empêcha de pénétrer
plus avant dans cette première nuit. On m’ar
voit informé, de plus, que passé le Garnit a
jusqu’à la rivière des Buffles je ne verrois pas
une goutte d’eau ; il y avoit vingt-cinq grandes
lieues d’une rivière à l’autre : pour ne
pas périr de soif il falloit faire ce trajet en
deux jours ; il n’étoit pas question de marcher
par là chaleur, tout auroit été perdu ;
je résolus donc de rester deux jours pleins
sur la rivière des Lions pour reposer etforti-
iier d’autant mes attelages, et sur le soir du
second jour m’affranchissant de toute espèce
de crainte, et ne tenant nul compte à mes
gens de leurs terreurs paniques, je continuai
ma route. J’avois eu la précaution de placer
toute ma caravane entre deux chariots qui
servoient d’avant et d’arrière-garde ; deux
jou rs, ou plutôt deux nuits de marche for