qq. avoit fait dans la horde la nouvelle de
mon arrivée, et la considération singulière
qu’elles avoient pour l’étranger ; Narina
s etoit parée des presens que je lui avois
faits .; mais ce 11e fut pas sans une extrême
surprise que je m’apperçus qu’elle n’avoit
point suivi l’étiquette comme ses camarades,
et quelle avoit supprimé les onctions; elle
savoifia quel point me déplaisoit ce raffinement
de coquetterie, et quoi qu’eût dû lui
coûter cette privation, elle se l ’étoit imposée
pour me plaire,; Elle me présenta sa
soeur, qui me parut jolie; mais, soit que la
prévention m’aveuglât, soit que l’odeur de
ses onguens m’eût rebuté, je ne lui trouvai
point l’air agaçant de K a r in a , et ne sentis
rien pour elle.
■j Arrive chez Idaabas.:, il me montra sa
femme-; eljo n avoit rien qui la. distinguât
des; autres, et je ; vis là , comme on le voit
souvent ailleurs, que. madame là commandante
étoit richement vieille et laide ; cela
n’empêcha point qu’en courtisan délié,je lui
présentasse un mouchoir rouge$.qu’elle reçut
sans façon, et dont elle ceigpit sur-le-
champ sa, tete. J ajoutai a cette offre un couteau',
un briquet; mais, comme j ’avois envie
de connoître son goût, et que j’étois bien
aise de voir une femme sauvage dans l’embarras
du ehoix pour ses ajustemens, je lui
montrai toute ma pacotille de verroterie, la
priant de choisir elle-même ce qui lui plai-
roit davantage; je ne jouis pas de la satisfaction
que je m’étois promise ; elle se jeta
sans balancer sur des colliers blancs et des
rouges ; les autres couleurs, disoit-elle, trop
analogues à sa peau, ne faisant nul effet, et
n’étant pas de son goût. J’ai toujours remarqué,
qu’en général, les sauvages ne font
pas grand cas du noir et du bleu. Je lui donnai
encore du gros fil de laiton pour deux
paires de bracelets, cet article me parut être
celui qu’elle estimoit davantage.
Ces presens n’étoient point regardés sans
énvie de la part des autres femmes; elles
levoient les mains avec extase, et décla-
roient à haute vo ix dans leur admiration,
que l’épouse de Haabas étoit la plus heureuse
des femmes, et la plus brillante en
bijoux qu’on eût jamais vue dans toutes les
hordek de la nation Gonaquoise.
Je fis ensuite la distribution du reste de la
verroterie que j ’avois apportée , et j’avoue
de bonne-foi que je manoeuvrai de façon que