trois derniers n’ayant aucune connoissance
du maniement des armes à feu, pou voient
craindre autant de tirer un coup de fusil que
de le recevoir : cependant ils faisoient nomb
re , et j ’espérois de quelque manière en
tirer parti. Les Grecs qui incendièrent la
ville de T ro y e , n’avoient ni le bras ni les
armes d’Achille.
Je résolus de tenter ce voyage avec ces
huit hommes; mais mon plan n’étant pas
encore bien digéré, je pensai qu’il falloit
différer d’en donner connoissance à mon
camp, jusqu’au départ des Caffres que je ne
voulois pas sur-tout en instruire.
■ Mais un secret, qui jusqu’alors m’avoit
échappé malgré toute ma prévoyance et mes
soins , vint tout d’un coup éclaircir une
partie de mes soupçons. KIaas arrivant un
après-dîné de la chasse, entre dans ma
tente, et m’avertit que quatre Hottentots
basters sont cachés dans mon camp depuis
le matin, qu’il les soupçonne d’être des espions
de Bruyntjes-Hoogte, envoyés par les
colons. Il* avoit compris, me disoit-il, par
tout ce qu’il avoit pu entendre de la conversation
de ces quatre coquins, que les blancs
étoient instruits de l’arrivée et du séjour
des Caffres dans mon camp ; qu’ils murmu-
roient tous et s’étonnoient que j’eusse reçu
chez moi avec autant de cordialité leurs
ennemis mortels. Klaas m’engagea à me tenir
sur mes gardes, jusqu’à ce qu’il en eût appris
davantage, m’invitant sur-tout à me défier
de l’un des gardiens de mes boeufs, nommé
Slinger, qu’il croyoit être d’intelligence et
manoeuvrer sourdement avec les quatre
émissaires.
Irrité de l’audace de ces gens et de la hardiesse
qu’ils avoient eue d’entrer dans mon
camp, j’ordonnai qu’on les amenât devant
moi; à leur démarche timide, embarrassée,
je jugeai trop qu’ils étoient coupables ; je les
interrogeai brusquement, et leur demandai
de quel droit et par quel ordre ils avoient
osé s’introduire chez moi et s’y tenir cachés,
sans que j ’en fusse prévenu, comme s’ils
avoient pu s’attendre à n’être point découverts
; cette apostrophe un peu v iv e , la
menace de les punir à l’instant, et la colère
dont tous mes traits étoient animés , les effrayèrent
de telle sorte, qu’il leur fut impossible
de répondre ; j’aj putai que je ne souffrois
pas d’espions près de moi; que quiconque
s’introduisoit sourdement étoitsuspect âmes