guéable ; que , cependant, on avoit vu plusieurs
blancs chez lesTamboukis; que, pour
eux, ils avoient échangé quelques marchandises
avec les mêmes Tamboukis,*et surtout
beaucoup de d o u x provenus du dédorage
du navire ; mais qu’étant maintenant én
guerre avec ces peuples f ils ne pou voient
plus en tirer le fer dont ils avoient si grand
besoin : alors ils me prièrent de leur en donner
; refrain ordinaire de ces malheureux ,
auquel je m’étois attendu. T riste prière que
je payai d’un cruel refus 1
En revanche, je leur distribuai de tout ce
que je portois avec moi, soit verroterie, soit
colifichets , briquets , amadou, et force tabac
; ils m’offrirent et me conjurèrent d’accepter
un couple de leurs boeufs : je leur fis
répondre que , loin de penser à les priver
d un bien aussi précieux à d’infortunés hu-
mains, j ’aurois désiré me trouver en situation
d’augmenter leurs bestiaux ; cette marque
de bonté les toucha d’autant plus, qu’ils
regardent le blanc comme l ’être le plus dangereux
et le plus malfaisant qui soit sur la
terre. Ils me firent, avec cette timidité ingénue
qui craint même de fâcher celui qu’on
va lou e r, un aveu dont l ’impression m’est
long-temps restée dans l ’àme. Hans me déclara
, de leur p a r t, en termes très-énergiques
, que je ressemblois au seul honnête
homme de ma race qu’ils eussent jamais rencontré;
ils l’avoient vu, cet honnête homme,
quelques années auparavant, sur la rivière
des Bossismans, lorsqu’ils l’habitoient, et
que les colons n’avoient pu réussir encore à
les en chasser ; c’étoit, me disoient-ils, un
homme qu i, comme moi , voyageoit par
curiosité. Je n’eus pas de peine à reconnoître
le colonel Gordon ; ils furent enchantés d’apprendre
que nous étions liés d’amitié; ils me
chargèrent même de l’intéresser pour eux
lorsque je serois de retour au Cap, de faire
au gouvernement le rapport véridique et le
tableau le plus touchant de leur misère, et
du cruel abandon où les avoit jetés l ’injustice
atroce de leurs persécuteurs.
Je passai cette journée entière à m’entretenir
avec ces Caffres de tout ce qui pouvoit
m’intéresser touchant leurs moeurs, leurs
usages , leur religion, leurs goûts, leurs
ressources , et je trouvois leurs réponses
toujours conformes à ce que m’avoient appris
déjà les premiers que j ’avois vus; ils me
contoient, avec autant de bonne fo i , ce qui