Je ne puis exprimer toute la joie , mais
sur-tout l ’étonnement que causa mon arrivée
à toute cette brave famille ; elle s’y &t~
tendoit si peu, ma barbe me rendoit si mé-
connoissable ,les relations qu’on avait faites
an Gap et dans les environs, de mes courses
lointaines et dés dangers auxquels je m’étois
l iv r é , rendaient ma mort si probable, qu’ils
furent tous effrayés de mon approche; le»
femmes s u r - tout me firent une guerre
cruelle de cette garniture épaisse e t noire
qui couvrait ma figure : il y avoitdéjà quelque
temps qu’elle m’étoit devenue inutile et
par conséquent à charge. MitjeriSlaber , la
plus jeune des filles , s’offrit obligeamment
de m’en débarrasser ; je me mis à ses genoux,
et j’offris ma tète en sacrifice. J’étois
à peine arrivé dans cette demeurefortunée,
que je dépêchai Kleas vers M. Boers, pour
lui donner la nouvelle de mon retour ; je
lui adressais en même temps deux petites
gazelles steen-bock et quelques perdrix que
j’avois tuées en route. Dès le lendemain, je
reçus les félicitations de mon ami qui ra’eu-
vo yo itd eu x de ses meilleurs chevaux, et
me conjurait vivement de me rendre aussitôt
chez lui.
: Ce jour même, mes gens que j’avois laissés
en arrière, arrivèrent tous avec mes chariots.
Le moment de la séparation appro-
choit. Nous avions , de part et d’autre, ou+
blie nos torts t les uns faissoient échapper
dés soupirs, d’autres Versoient des larmes ;
je ne pus retenir les miennes ; nous noué
consolions par l ’espoir d’un second voyage,
si les circonstances me devenoient favorables.
Je distribuai à ces fidèles compagnons
de mes fatigues et de mes aventures, tout ce
qui ua e restoit et qui ne m’étoit plus d’aucune
utilité à la ville; j’y joignis même mon
linge et encore toutes mes bardes, ne conservant
absolument que ce que j ’a vois sur
le corps. Je priai deux de ces Hottentots de
rester quelques jours de plus chez ¿Haber,
pour prendre soin déme» chevaux, de mes
éhe^rés, et de eeuX de mes boeufs, malades
ou inutiles, que je laissais sur l’habitation
jusqu’à nouvel ordre : je donnai rendez-vous
chez M* Boers au reste de ma caravane.
Klaas et moi nous montâmes à ch eval; et,
le soir meme, j ’eus le bonheur de serrèr dans
mes bras un bienfaiteur, ton ami, que j ’avois
craint de ne plus revoir.
Mes équipages arrivèrent le 2 avril; ce