jamais douté que l’homme n’ait reçu du
Créateur, en égale proportion, les mêmes
facultés y sa corruption insensiblement lui a
tout fait perdre. Les sauvages, d’autant plus
près de la nature qu’ils s’éloignent de nous,
ont aussi les sens bien plus subtils -, enfin,
moi-même, et je me flatte d’inspirer quelque
croyance, après avoir passé cinq ou six
mois dans les forêts et les déserts, lorsqu’à
leur imitation je présentois le visage de
côté et d’autre, j ’étois parvenu à sentir , à
deviner comme e u x , soit une r iv iè re , soit
une mare-: nous ne manquions jamais d’y
arriver.
Résolu de passer la nuit à Keès-Fontein,
je profitai de ces momens de repos pour
préparer l ’outardç que j ’avois tuée. Des nuages
amoncelés dans le lointain nous annon-
çoient un violent orage5 je fis décharger les
boeufs, et ma tente fut dressée.
La pluie vint en abondance avant la nuit,
mais elle ne dura pas long-temps • elle étoit
à peine cessée, que déjà je rôdois de côté et
d’autre pour épier de petits oiseaux. Dans
un endroit peu écarté du campement, je vis
tout-à-coup se lever à mes pieds deux de
ces serpens d’un jaune doré, communs et si
conmis dans les colonies sous le nom de
Kooper-Capel. Ces reptiles se dressèrent à
ma vue, enflant prodigieusement leurs têtes,
et sifflant de manière à m’effrayer. Je lâ-
Ichai mon coup - je savois que la morsure
de ces animaux est mortelle, et que la faculté
de s’élancer les rend d’autant plus dangereux
j l ’un des deux tomba mort, J’autre
rentra dans son trou* Je m’assurai de celui
qui me restoit; il avoit cinq pieds trois
pouces de longueur, et neuf pouces de circonférence
dans sa plus forte épaisseur L
outre une infinité de petites dents très-ai-
gues et difficiles à distinguer, qui garnis-
|soient sa gueule, il portoit de chaque côté
|de la mâchoirè supérieure, à la hauteur des
narines, un crochet de cinq lignes de long,
jouant dans sa charnière, et qu’il pouvoit
retirer comme les griffes du chat ou du t i-
|gre j mes Hottentots en cassèrent un. Comme
j’aimois beaucoup à les entendre disserter
sur l’Histoire naturelle,peut-être parce que
pe trouvois plus de vérités dans les raison-
¡nemens tout grossiers de l ’habitude et de
l’expérience que dans les ingénieuses spéculations
de nos savans, je leur fis sur mon
serpent des questions auxquelles ils répon