perficielle ; il n’avoit été atteint que du tranchant
du fe r, qui n’est jamais empoisonné :
je lavai moi-même sa plaie avec de l’urine ;
je le consolai, bien convaincu qu’il n’étoit
pas mortellement blessé; je portois toujours
sur moi un flacon d’alkali volatil que m’avoit
donné M. Percheron, résident de France,
lors de mon départ du Cap; pour chasser
jusqu’aux apparences du v en in , je déchirai
des morceaux de ma chemise , dont je fis des
compresses imbibées de cet alkali; mais,
loin que ces précautions de ma craintive
amitié servissent à rassurer l’esprit de ce
malheureux, il s’obstinoit à attribuer aux
effets du poison les douleurs très-aigilës que
lui causoit mou caustique. Pour moi, ce
que j’admirois le plus et que je regardois
comme l ’influence de mon heureuse étoile ,
c’est qu’il n’eût pas été tué sur la place ; car,
à coup sûr, son assassin, armé du fusil qu’i f
lui eût dérobé, n’auroit pas manqué de me
joindre au plus prochain détour, et de me
faire subir le même sort. Je m’emparai de
l ’arc et du carquois du scélérat ; e t , laissant
là son cadavre horriblement défiguré, je
m’empressai de rejoindre mon camp. Cette
aventure y répandit l ’alarme; mon çhasseur,
persuadé qu’il ne vivroit pas jusqu’au
jour , acheva par ses tristes plaintes de
jeter la consternation parmi mes gens. C’est
àtort que j’aurois essayé de les tranquilliser,
ils étoient tous presque persuadés que le
malade ne passeroit pas la nuit : cependant
elle s’écoula sans crises ; et lorsque les plus
grandes douleurs se furent dissipées, il sentit
et commença de convenir qu’il ên seroit
quitte pour la peur. A leur réveil, tous ses
camarades, étonnés de lè voir v iv an t, re-
trouvèrent aussi la parole, et bavardèrent
de mille façons différentes, comme il arrive
toujours après le danger ; ils jugeoient surtout
que la mort du coupable étoit ce qu’il
y avoit de plus heureux pour nous dans
cette aventure; car si cet homme nous eût
échappé, et que nous suivant à la pisté à
travers les buissons et les chemins détournés
, il eût découvert le lieu de notre retraite,
il n’eût pas manqué d’en aller avertir
les autres Bossismanâ, q u i, rassemblés en
grand nombre, hissent arrivés sur nous, et
nous eussent impitoyablement massacrés.
Les diverses conjectures de mes Ilottentots,
et leurs discours à perte de v u e , m’amu-
soient beaucoup et m’intéressoient en quel