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CHAPITRE II
MÉTHODES POUR DÉCOUVRIR OU CONSTATER l ’ORIGINE
DES ESPÈCES
§ 1. — Réflexioliis gciicraleis.
La plupart des plantes cultivées ayant été mises en culture â
une époque ancienne et souvent d’une manière peu connue, il
est nécessaire d’user de différents moyens lorsqu’on veut s’assurer
de leur origine. C’est, pour chaque espèce, une recherche
dans le genre de celles que font les historiens et les archéologues,
recherche variée, dans laquelle on se sert tantôt d ’un procédé
et tantôt d’un autre, pour les combiner ensuite et les apprécier
selon leur valeur relative. Le naturaliste n’est plus ici dans
son domaine ordinaire d’observations et de descriptions. Il doit
s’appuyer sur des preuves testimoniales, dont il n ’est jamais
question dans les laboratoires, et, quand les faits de botanique
sont invoqués, il ne s’agit pas de l’anatomie, dont on s’occupe de
préférence aujourd’hui, mais de la distinction des espèces et
de leur distribution géographique.
J ’aurai donc à me servir de méthodes qui sont étrangères,.les
unes aux naturalistes, les autres aux personnes versées dans
les sciences historiques. Pour comprendre comment il faut les
employer et ce qu’elles peuvent valoir, je dirai quelques mots de
chacune.
§ 2. — Botanique.
Un des moyens les plus directs pour connaître l ’origine géographique
d’une espèce cultivée est de chercher dans quel pays
elle croît spontanément, c’est-à-dire à l’état sauvage, sans le
secours de l ’homme.
La question paraît simple au premier coup d ’oeil. Il semble.
BOTANIQUE ‘
en effet, qu’en consultant les flores, les ouvrages sur l ’ensemble
des espèces ou les herbiers, on doit pouvoir la résoudre aisément
dans chaque cas particulier. Malheureusement, c’e s t , au
contraire, une question qui exige des connaissances spéciales de
botanique, surtout de géographie botanique, et une appréciation
des botanistes et des collecteurs d échantillons basée sur une
longue expérience. Les savants occupés d histoire ou d interprétation
d’écrivains de Uantiquité s’exposent a faire de grandes
erreurs lorsqu’ils se contentent des premiers témoignages venus
dans un livre de botanique. D’un autre côté, les voyageurs qui
récoltent des plantes pour les herbiers ne font pas toujours assez
d’attention aux localités et aux circonstances dans lesquelles ils
trouvent les espèces. Souvent ils négligent de noter ce qu ils ont
remarqué à cet égard. On sait cependant qu une plante peut
venir d ’individus cultivés dans le voisinage; que les oiseaux, les
vents, etc., peuvent en avoir transporté les graines à de grandes
distances, et qu’elles arrivent quelquefois par le lest des vaisseaux
ou mêlées avec des marchandises. Ces cas se présentent
pour des espèces ordinaires, à plus forte raison pour les plantes
cultivées qui sont abondantes autour de l ’homme. Il faut, chez
un collecteur ou voyageur, de bonnes habitudes d’observation
pour estimer jusqu’à quel point un végétal est issu de pieds
sauvages, appartenant à la flore du pays, ou d’une autre origine.
Quand la plante croît près des habitations, sur des murailles,
dans des décombres, au bord des routes, etc., c’est une raison
pour se défier.
Il peut aussi arriver qu’une espèce se répande hors des cultures,
même loin des locahtés suspectes, et n ’ait cependant
qu’une durée éphémère, parce qu’elle ne supporte pas, à la
longue, les conditions du climat ou la lutte avec les plantes indigènes.
C'est ce qu’on appelle en botanique une espèce aduen-
tive. Elle paraît et disparaît, preuve qu’elle n ’est pas originaire
du pays. Les exemples abondent dans chaque flore. Lorsqu ils
deviennent plus nombreux qu’à l’ordinaire, le public en est
frappé. Ainsi les troupes amenées brusquement d’Algérie en
France, en 1870, avaient répandu, par les fourrages et autrement,
une foule d’espèces africaines ou méridionales qui ont
excité l’étonnement, mais dont il n’est pas resté de trace après
deux ou trois hivers. ,
Il y a des collecteurs et des auteurs de flores très attentiis a
signaler ces faits. Grâce à mes relations personnelles et à 1 emploi
fréquent des herbiers et des livres de botanique, je me
flatte de les connaître. Je citerai donc volontiers leur témoignage
dans les cas douteux. Pour quelques pays et quelques espèces,
je me suis adressé directement à ces estimables naturalistes. J ai
fait appel à leurs souvenirs, à leurs notes, à leurs herbiers, et,
d’après ce qu’ils ont bien voulu me répondre, j ’ai pu ajouter des
documents inédits à ceux qu’on trouve dans les ouvrages puf