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tinuel en suçant la matière sucrée ; mais Vieillard ‘ a eu soin de
dire : « De ce qu’on rencontre fréquemment au milieu des broussailles
et même sur les montagnes des pieds isolés de Saccharum
officinarum, on aurait tort d’en conclure que cette plante est
indigène, car ses pieds, faibles et rachitiques, accusent simplement
d’anciennes plantations, ou proviennent de fragments de
Cannes oubliés par les naturels, qui voyagent rarement sans avoir
un morceau de canne à sucre à la main. » En 1861, M. Bentham,
qui avait à sa disposition les riches herbiers de Kew,
s’exprimait ainsi dans la flore de l ’île de Hongkong : « Nous
n’avons aucune preuve authentique et certaine d’une localité
où la Canne à sucre ordinaire soit spontanée. »
Je ne sais cependant pourquoi Ritter et tout le monde a
négligé une assertion de Loureiro dans la flore de Gochinchine ^ :
« Habitat, et colitur abundantissime in omnibus provinciis regni
cocMnchinensis : simul in aliquibus imperii sinensis, sed minori
copia. » Le mot habitat, séparé du reste par une virgule, est
bien affirmatif. Loureiro n’a pas pu se tromper sur le Saccharum
officinarum, qu’il voyait cultivé autour de lui et dont il énumère
les principales variétés. D doit avoir vu des pieds spontanés, au
moins en apparence. Peut-être venaient-ils de quelque culture
du voisinage, mais je ne connais rien qui rende invraisemblable
la spontanéité dans cette partie chaude et humide du continent
asiatique.
Forskal ** a cité l’espèce comme spontanée dans les montagnes
de l’Arabie Heureuse, sous un nom qu’il croit indien. Si elle était
d’Arabie, elle se serait répandue depuis longtemps en Egypte, et
les Hébreux l ’auraient connue.
Roxburgh avait reçu au jardin botanique de Galculta, en 1796,
et avait introduit dans les cultures du Bengale, un Saccharum
qu’il a nommé S. sinense et dont il a publié une figure dans son
grand ouvrage des Plantæ Coromandelianæ (vol. 3, pl. 232).
Ce n’est peut-être qu’une forme du S, officinarum, et d’ailleurs,
comme elle n’est connue qu’à Fétat cultivé, elle n’apprend rien
sur la patrie soit de cette forme, soit des autres.
Quelques botanistes ont prétendu que la canne à sucre fleurit
plus souvent en Asie qu’en Amérique ou en Afrique, et même
que sur les bords du Gange elle donne des graines fe ce qui serait,
d’après eux, une preuve d’indigénat. Macfadyen le dit sans
fournir aucune preuve. G’est une assertion qu’il a reçue, à la
Jamaïque, de quelque, voyageur; mais sir W. Hooker a soin
d ajouter en note : « Le Roxburgh, malgré sa longue résidence
au bord du Gange, n’a jamais vu de graines de la canne à
1. Vieillard, Ann. des sc. nat., série 4, vol. 16, p. 3 ‘L
/ Loureiro, Fl. Cochinch., ed. 2, vol. 1, p. 66.
3. Forskal, Fi. Ægypto-arabica, p. 103.
4. Macfadyen, On the botanical charactei^s of the sugar cane, dans Hooker Bot. miscell. 1, p. 101 ; Maycock, Fl. Barbad., p. SO) ’
sucre. » Elle fleurit et surtout fructifie rarement, comme en général
les plantes qu’on multiplie par boutures ou drageons, et,
si quelque variété de la canne était disposée à donner des graines,
elle serait probablement moins productive de sucre, et bien vite
on l ’abondonnerait. Rumphius, meilleur observateur que beaucoup
de botanistes modernes et qui a si bien décrit la canne
cultivée dans les îles hollandaises, fait une remarque intéressante
fe « Elle ne produit jamais de fleurs ou de graines, à moins
qu’elle ne soit restée pendant quelques années dans un endroit
pierreux. » Ni lui, ni personne, à ma connaissance, n’a décrit
ou figuré la graine. Au contraire, les fleurs ont été souvent figurées,
et i’en ai un bel échantillon de la Martinique fe Schacht
est le seul qui ait donné une bonne analyse de la fleur, y compris
le pistil ; il n’a pas vu la graine mûre fe De Tussac fe qui adonné
une analyse fort médiocro, parle de la graine, mais il ne l’a vue
q u e jeune, à l’état d’ovaire.
A défaut de renseignements précis sur 1 mdigenat, les moyens
accessoires, historiques et linguistiques, de prouver l’origine
asiatique, ont de l ’intérêt. Ritter les donne avec soin. Je me contenterai
de les résumer. . „ l n i .
Le nom de la canne à sucre en sanscrit était Jkshu, Ikshura
ou Ik sh a va ; mais le sucre se nommait S a rk a ra ou Sakkara, et
tous les noms de cette substance dans nos langues européennes
d’origine aryenne, à partir des anciennes comme le grec, en
sont clairement dérivés. G’est un indice de l’origme^ asiatique
et de Fancienneté du produit de la canne dans les régions méridionales
de l ’Asie avec lesquelles le pleuple parlant le vieux
sanscrit pouvait avoir eu des rapports, commerciaux. Les d e / /
mots sanscrits sont restés en b e n g a l i sous la forme de/Æ et yl/m •
Mais dans les autres langues, au delà de l’Indus, on trouve une
variété singulière de noms, du moins quand elles ne descendent
pas de celle des Aryens, par exemple ; Panchadara entelmga,.
Kyam chez les Birmans, Mia en Gochinchinois, Kan et Ich e ou
Tsche en chinois, et plus au midi, chez les peuples inalais, -/mom
ou Tabu, pour la plante, et Gula, pour le produit Cette d i v / -
sité montre une ancienneté très grande de la culture dans les
régions asiatiques, où déjà les indications botaniques font présumer
l ’origine de l’espèce.
L ’époque d’introduction de la culture en divers pays concordo
avec l’idée d’une origine de l ’Inde, de la Gochinchine ou de
l ’archipel Indien. , .
En effet, les Chinois ne connaissent pas la canne a sucre depuis
1 temps très reculé, et ils Font reçue de l’ouest.un Ritter contredit
1. Rumphias, Amboin, vol. 5, p. 186.
2. Hahn, n “ 480.
3. Schacht, Madeira und Tenenffe, t . I .
4. Tussac (de), Flore des Antilles, 1, p. Iô3, pl. 23.
5. Piddington, Index.