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je riavais pu connaître d’autres échantillons de N. labacum
paraissant spontanés que ceux envoyés par Blanchet, de la province
de Bahia, sous le r i 3223, a. Aucun auteur, avant ou
après cette époque, n’a été plus heureux, et je vois que MM. Flüc-
kiger et Hanbury, dans leur excellent ouvrage sur les drogues
d’origine végétale fe disent positivement : « Le tabac commun
est originaire du nouveau monde, et cependant on ne Vy trouve
pas aujourd’hui à l’état sauvage. » J ’oserai contredire cette
assertion, quoique la qualité de plante spontanée soit toujours
•contestable quand il s’agit d’une espèce aussi facile à répandre
hors des plantations.
Je dirai d’abord qu’on rencontre dans les herbiers beaucoup
■d’échantillons récoltés au Pérou, sans indicatipn qu’ils fussent
. cultivés ou voisins des cultures. L'herbier de M. Boissier en
•contient deux, de Pavon, venant de localités différentes Pavon
dit dans sa flore (vol. 2, p. 16) que l’espèce croît dans les forêts
humides et chaudes des Andes péruviennes, et qu’on la cultive.
Mais, ce qui est plus significatif, M. Edouard André a recueilli
■dans la république de f Equateur, à Saint-Nicolas, sur la pente
occidentale du volcan Gorazon, dans une forêt vierge, loin
de toute habitation, des échantillons, qu’il a bien voulu me
communiquer et qui sont évidemment le N. Tabacum à taille
élevée (2 à 3 mètres) et à feuilles supérieures étroites, longuement
acuminées, comme on les voit dans les planches de Hayne
ot de Miller fe Les feuilles inférieures manquent. La fleur, qui
donne les vrais caractères de l ’espèce, est certainement du
N. Tabacum, et il est bien connu que cette plante varie dans les
■cultures sous le rapport de la taille et de la largeur des feuilles fe
La patrie primitive s ’étendait-elle au nord jusqu’au Mexique,
au midi vers la Bolivie, à l ’est dans le Venezuela? G’est très
possible.
Le Nicotiania rustica, Linné, espèce à fleurs jaunâtres, très
différente du Tabacum fe et qui donne un tabac grossier, était
plus souvent cultivé chez les anciens Mexicains et les indigènes
au nord du Mexique. Je possède un échantillon rapporté de
Californie par Douglas, en 1839, époque à laquelle les colons
ôtaient encore rares, mais les auteurs américains n’admettent
1. Flückiger et Hanbury, Histome des drogues d’origine végétale, traduction
en français, 1878, vol. 2, p. 150.
2. L’un d’eux est classé sous le noua deMcoZ. fruticosa, qui, selon moi
e s t la même espèce, à taille élevée, mais non ligneuse, comme le nom le
ferait croire. Le N . auriculata Bertero est aussi le Tabacum, d’après mes
échantillons authentiques.
3. Hayne, Arzneikunde Gewächse, vol. 12, t . 41; Miller, Gardener's dict
figures, t. 186, f. 1. ’
4. La capsule, e st tantôt plus courte que le calice et tantôt plus longue
sur le même individu, dans les échantillons de M. André. ’
5. Voir les figures de N. rustica dans Plée, Types de familles naturelles
de France, Solanées; Bulliard, Herbier de France, t. 28fe
pas la plante comme spontanée, et le D® Asa Gray dit qu’elle se
sèine dans les terrains vagues fe G’est peut-être ce qui était
arrivé pour des échantillons de l ’herbier Boissier, que Pavon a
récoltés au Pérou et dont il ne parle pas dans la flore péruvienne.
L ’espèce croît abondamment autour de Gordova, dans
la république Argentine^, mais on ignore depuis quelle époque.
D’après l ’emploi ancien de la plante et la patrie des espèces les
plus analogues, les probabilités sont en faveur d’une origine du
Mexique, du Texas ou de Californie.
Plusieurs botanistes, même des Américains, ont cru fespèce
de l ’ancien monde. G’est bien certainement une erreur, quoique
la plante' se répande çà et là, même dans nos forêts et quelquefois
en abondance à la suite des cultures. Les auteurs du
XVI« siècle en ont parlé comme d’une plante étrangère, introduite
dans les jardins et qui en sortait quelquefois fe On la
trouve dans quelques herbiers sous les noms de N. tatarica,
turcica ou sibirica, mais il s’agit d’échantillons cultivés dans les
jardins, et aucun botaniste n’a rencontré l’espèce en Asie ou sur
les confins de l’Asie, avec fapparence qu’elle fût spontanée.
Ceci me conduit à réfuter une erreur plus générale et plus
tenace, malgré ce que j ’ai démontré en 1855, celle de considérer
quelques espèces mal décrites d ’après des échantillons cultivés,
comme originaires de fancien monde, en particulier d’Asie. Les
preuves de forigine américaine sont devenues si nombreuses et
si bien concordantes que, sans entrer dans beaucoup de détails,
je puis les résumer de la manière suivante :
A. Sur une cinquantaine d’espèces du genre Nicotiana trouvées
à fé ta t sauvage, deux seulement sont étrangères à l ’Amérique,
savori : 1® le N. suaveolens, de la Nouvelle-Hollande, auquel on
réunit maintenant le iV. rotundifolia du même pays, et celui que
Ventenat avait appelé par erreur N. undulata; 2® le N. fragrans
Hooker (.Soi. mag., t. 4865), de l’île des Pins, près de la Nouvelle
Calédonie, qui diffère bien peu du précédent.
B. Quoique les peuples asiatiques soient très amateurs de tabac
et que dès une époque reculée ils aient recherché la fumée de
certaines plantes narcotiques, aucun d’eux n’a employé le Tabac
antérieurement à la découverte de l ’Amérique. Tiedemann l’a
très bien démontré par des recherches approfondies dans les écrits
des voyageurs du moyen âge ®. H cite même pour une époque
moins ancienne et qui a suivi de près la découverte de l ’Amérique,
celle de 1540 à 1603, plusieurs voyageurs dont quelques-
1. Asa Gray, Synoptical flora of N. A. (1878), p. 241.
2. Martin de Moussy, Descript. de la irp Argentine, 1, p. 196.
3. Bulliard, l. c.
4. Cæsalpinus, lib. VIII, cap. 44; Bauhin, Hist., 3, p. 630.
5. Tiedemann, Geschichte des Tabaks (1854), p . 208. Deux ans auparavant,
Volz, Beiträge zur Culiurgeschichte, avait réuni déjà un très grand
nombre de faits sur l’introduction du Tabac dans divers pays.
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