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aux charmes de ces airs simples, par tout?
l’effet que produit une riche et savante har^
monie.
Je dois cependant convenir, malgré l ’au-i
torité de ces noms classiques, qu’il est presque
impossible de saisir la musique écossaise
et d’en sentir tout le mérite a vant que d’avoir
acquis une certaine habitude de l’entendre.
Aussi, c’est moins d’après le sentiment des
étrangers que d’après l'effet prodigieux
produit par ces chants sur les Ecossais,
eux-mêmes, que nous devons les juger.
J’ai déjà dit plus haut, qu’il suffisoit que
l ’orchestre d’une salle de spectacle , entonnât
un des airs nationaux de l’Ecosse, pour
qu’au même instant tous les auditeurs suivis-^
sent du geste et souvent même de la voix, le
rythme, tantôt lent et soutenu d’une romance
plaintive, tantôt vif et animé des,
airs de danse.
Souvent un de leurs airs les plus
touchants, les adieiiæ à Lochaber a produit,
sur des Ecossais, éloignés de leur .V
patrie, des effets analogues à ceux du
Banz des vaches, sur les paysans Suisses.
On a vu , dit-on , des Ecossais, au moment
de s’embarquer pour les Indes, où un
emploi honorable et lucratif les attendoit,
renoncer à leur projet et à leurs espérances,
" en entendant chanter cette romance, qui
retraçoit si vivement à leur coeur, les charmes
d’une patrie qu’ils alloient quitter.
C ’est par des traits semblables que l’on
peut juger de l’effet d ’un genre de musique,
quelqu’éloigné qu’il nous paroisse de nos
idées actuelles sur la mélodie et l’harmonie.
Si nous entendions ces chants d’Orphée,
d’Ampbion et d’Arion, qui faisoient sur l’esprit
des Grecs une impression si forte que,
pour exprimer leur admiration, ils suppo-
soient que les animaux, que les êtres les
plus redoutables et les plus féroces, que les
pierres même en étoienl émues, si nous voulions
les j ugerd ’après nos règles établies e t nos
préjugés d’habitude, il est probable que nous
traiterions ces morceaux inspirés par les
dieux, de musique barbare et lamentable,
et que les oreilles délicates de nos connoisseurs
en seroient à chaque instant offensées.
Mais aussi, quels sont les effets de notre musique
savante et régulière qui puissent être