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tantôt nous soulevoient jusqu’aux nue*,
tantôt nous plongeoient dans des gouffres
profonds. Si nous n’avions pas eu le bonheur
d’avoir avec nous un homme comme
Mr. Maclean pour gouverner le bateau ,
nous aurions infailliblement péri. Il falloit
bien tout son sang-froid, toute sa fermeté
pour imposer du respect à notre misérable
chiourme. Car, il avoit beau donner ses
ordres pour la manoeuvre , les bateliers
effrayés se tordoient les mains , et dans
leur terreur et leur ivresse , ils faisoient le
contraire de ce qu’ils devoient, et exécu-
toient avec lenteur les manoeuvres qui exi-
geoient le plus de promptitude. La bou-
rasque devenoit toujours plus violente, et
au lieu de lâcher la voile comme on le fait
ordinairement ( i ) , ils se mirent à la tendre
(i) Rien ne prouve mieux la violence et le danger
desbourasques de ces parages que la coutume qu’ont
tous les matelots hébridiens, de ne jamais attacher
un seul des cordages de la voile. Non-seulement
l’écoute mais même la drisse, par laquelle on bisse
la voile au mat, sont constamment tenues par un
hom m e, afin qu’on puisse en un instant mettre la
voile à bas.
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de foulés leurs forces ; aussi, il y eut un
moment où le bateau pencha tellement sur
le côté que la voile vint à loucher la vague
qui fuyoit. Ce fut un cri général , et nous
crûmes tous que c’étoit fait de nous ; les
matelots pâlissoient, ils étoient dans la plus
grande angoisse ; et leurs disputes en gaëlic
qui se nlêloient au bruit affreux de la mer
et du vent 1 ajout oient encore à notre inquiétude.
Mais la Providence qui Teilloit
Sur nous, nous tira de ce péril. Après
beaucoup de peines et de dangers > nous
abordâmes sur un roc de l’île de C o ll,
Contre lequel nous avions craint long-temps
de voir se briser en mille pièces notre petit
■esquif. Nous sautâmes avec joie sur la terré
ferme, rendant grâces à Dieu de notre délivrance,
et encore étonnés de nous trouver
sains et saufs après une telle traversée, nous
Regagnâmes avec plaisir la confortable maison
de Coll.
Le 6 Septembre. Le vent avoit tout-à-
fait changé et souffloit de nouveau du
nord, ce qui nous empêcha dé partir pour
les îles septentrionales comme nous l’avions
compté. Nous prîmes le petit canot appar