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genre de végétation , mais ce n’est que lorsqu’il
est en masse ou en lit , car il ne croît
pas une plante marine sur le basalte en prismes.
Ces prairies sous-marines sont de vrais
trésors pour les habilans des Hébrides, par
la quantité d’alkali qu’elles rapportent.
Dès que nous eûmes passé Ulva , les bateliers
, suivant leur coutume , se mirent à
entonner leurs chants nationaux dans la
langue gaélique. L ’un d’eu:sç, qui fait le rôle
de coryphée , chante d’abord seul les
premières paroles de ces airs sauvages ,
les autres matelots joignent ensuite leur
voix à la sienne. Alors ils semblent
prendre une nouvelle énergie ; ils rament
avec plus de force, ils poussent des cris pour
s ’exciter encore ; le bateau fend les ondes
avec rapidité. Après quelques mesures le
choeur cesse , et le coryphée reprend
seul; puis le choeur recommence, et ainsi
de suite. La musique de ces airs est monotone,
et ne ressemble à aucune autre;
les paroles sont dans une langue rude, mais
expressive. C ’est quelque chose de tout-à-
fait original que ces chants et ce langage
auxquels le mugissement des flots et
C $ $ )
le souffle des vents servent d’acconlpagne-
ment, et dont le bruit de la rame marque la
mesure. Us étoient si bien en harmonie avec
les paysages sombres qui nous entouroient,
avec les immenses rochers, les montagnes ,
les îles, cet Océan atlantique si orageux, si
magnifique, qu’on trouvoit à les entendre
un charme particulier. Une scène aussi nouvelle
pour nous, la vue de ces marins courageux,
habitués à braver la fatigue et les
dangers, et s’excitant par les chants antiques
qui avoient animé leurs pères, nous trans-
portoient, et nous.nous trouvâmes quelquefois
joindre involontairement nos voix à des
choeurs dont nous ne connoissions ni les airs
ni les paroles.
Nous passâmes auprès de la petite île
d’Inch-Kenneth, qui est basse et recouverte
de gazon. Elle fournit d’excellens pâturages
: aussi y envoie-t-on, chaque année ,
un grand nombre de moutons et beaucoup
de gros bétail. Cette île est inhabitée;
mais quatre hommes y viennent de Mull ,
chaque fois que la mer le permet, prendre
soin des troupeaux.
Nous abordâmes sur la côte occidentale
Tome II. 18