
des domaines du Duc d’Argyle, qui vouloit
nous retenir à dîner , nous quittâmes Balaphaitrich
pour retourner à Çoll ; désirant
nous préparer à faire voile le lendemain,
pour l’île d’Uist. Mr. Campbell et Mr. Mac-
Coll, pasteur de l’île deTyrie, voulurent bien
nous accompagner jusqu’au village où nous
devions trouver un bateau pour traverser
le détroit. Montés sur des chevaux de
Mr. Campbell, nous fîmes une promenade
fort agréable le long des sables au bord
de la mer. Avant que de nous embarquer,
nous nous arrêtâmes quelques moments
dans une cabanne. Un vieillard qui s’y“
trouvoit nous récita un fragment de poëme
gaélique , que Mr. Mac - Coll voulut bien
m’expliquer en anglais ; je reconnus aisément
à la traduction littérale qu’d m’en
donna, que le sujet de ce morceau étoit la
mort d’Oscar, telle qu’elle a été publiée par
Macpherson dans le premier Livre de Te-
mora. Je remarquai en particulier le touchant
épisode des deux chiens, Bran et
Luath , pleurant aux pieds du héros qui
vient d’expirer.
Le bateau étant prêt, nous nous y placames
tous | Mr. Maclean prit le gouvernail.
Ce ne fut qu’après nous être un peu éloignés
de terre que nous pûmes juger du temps qui
depuis le rivage ne sembloit pas inquiétant.
Mais une fois en mer nous vîmes le couchant
chargé de gros nuages noirs. Un vent
violent du sud-ouest souffloit par raffales;
la mer étoit furieuse, les oiseaux de marine
poussés par l’orage faisoient entendre
leurs cris plaintifs , et les Fous qui se préci-
pitoient à chaque instant dans la mer agitée,
ou voloient effrayés autour de nous , offraient
? par le contraste de leur couleur
blanche avec la teinte sombre des nuages ,
un trait caractéristique des tempêtes. Notre
bateau étoit fort petit, dépourvu de lest, et
pour augmenter notre inquiétude, à peine
eumes-nous fgit un demi-mille , que nous
aperçûmes que tous nos bateliers étoient
ivres. Dans un détroit aussi dangereux et
avec un tel équipage notre situation devenoit
trés-critique. Le ciel prenoit vers le couchant
une apparence toujours plus orageuse ; le
péril augmentoit à chaque instant, plus
d’une fois nous fûmes sur le point d être
engloutis par les immenses lames d’eau qui
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